Comparée aux deux dernières années, mauvaises pour les exportations françaises de céréales, la campagne 2018/2019, qui s’est achevée au 30 juin 2019, se présente en de bien meilleurs termes mais sans retrouver son niveau de croisière. Sur les 34,2 Mt de blé tendre récoltés en France à l’été 2018, 7,4 Mt ont été exportés vers des pays de l’UE et 9,7 Mt vers des pays tiers, selon les chiffres encore provisoires des services des douanes.
Pour rappel, la récolte 2016/2017 n’ayant atteint que 27 Mt pour cause de pluies et d’inondations, les débouchés vers les pays tiers avaient été négligés faute de volume et de qualité. Pour la campagne 2017/2018, malgré le bon niveau de la récolte, les exportateurs français de céréales avaient perdu des parts de marché sur ses marchés phare que sont le Maghreb et l’Afrique subsaharienne au profit des pays de la Baltique et de la mer Noire, qui proposaient du blé de meilleure qualité.
Pour 2018/2019, l’Algérie reste la destination de plus de la moitié du blé français exporté vers les pays tiers: sur les 7,2 Mt de blé tendre achetés par Alger, 5,1 Mt proviennent de France. Le Maroc a quant à lui importé 2,9 Mt de blé français, tandis que l’Égypte, qui n’en achetait plus au cours des années précédentes, en a importé 500 000 t. Les pays d’Afrique subsaharienne, aussi, se sont à nouveau tournés vers la France pour leurs achats de blé, avec un total de 1,5 Mt.
Concurrence croissante de la mer Noire
« Les exportations françaises se sont surtout faites en seconde partie de campagne, avec une accélération au premier semestre 2019, note Marc Zribi, chef de l’unité « grain et sucre » de France Agrimer. Auparavant, les pays riverains de la mer Noire étaient très présents sur le marché. Entre juillet et octobre 2018, par exemple, la Russie a exporté plus de 4 Mt de blé tendre par mois. Un niveau jamais atteint, qui correspond à la nécessité pour la Russie d’être très agressive commercialement pour déstocker les importantes quantités récoltées en 2017. »
Après une production historique de 82 Mt de blé tendre en 2017, la Russie a en effet récolté 74 Mt en 2018 et devrait n’engranger qu’environ 72 Mt en 2019 selon les estimations. Son disponible exportable, qui était de 42 Mt pour la campagne 2017/2018 et de 35 Mt pour celle de 2018/2019, devrait ainsi atteindre environ 32 Mt pour la campagne en cours, selon France Agrimer. L’Ukraine aussi sera très présente sur les marchés internationaux pour la campagne en cours, avec une production de 28,5 Mt, dont 19,2 Mt disponibles à l’export, et deux tiers de la récolte classés en qualité meunière, contre un tiers seulement l’an dernier.
« Tous les pays de la mer Noire, ayant beaucoup investi sur la logistique, ont vocation à être de plus en plus présents sur le marché de l’exportation. Ces deux pays ont consolidé leurs exportations en 2018 vers l’Indonésie et les Philippines, marchés où la France est peu présente, mais où, avec l’Afrique subsaharienne, les achats de blé vont le plus croître dans les années à venir », note Marc Zribi.
Bonne moisson 2019
La récolte 2019 des céréales à paille s’est faite en France dans un très bon contexte climatique, avec un mois de juillet chaud et sec, favorable à la qualité du blé tendre qui affiche des taux de protéines et des poids spécifiques plutôt élevés. Un rendement estimé par le ministère de l’Agriculture à 76,1 quintaux à l’hectare (contre 70 pour la moyenne quinquennale) et la hausse de 2,8 % des surfaces cultivées font ressortir la collecte à 38,2 Mt, soit 12 % de plus que la récolte 2018.
L’UE a produit pour sa part 143,7 Mt de blé tendre en 2019, soit 11 % de plus qu’en 2019. La croissance a profité à la plupart des grands producteurs de blé: c’est le cas de l’Allemagne (23 Mt), de la Grande-Bretagne (15 Mt), de la Pologne (11 Mt), de la Bulgarie (5,8 Mt) ou encore de la Hongrie (5,1 Mt). La Roumanie (8,5 Mt) et l’Espagne (4,7 Mt) (cf. plus loin) font exception avec des récoltes en baisse.
France Agrimer n’a pas encore établi ses prévisions mais Marc Zribi estime « probable que l’on exporte en priorité vers nos destinations habituelles, l’Algérie
Orges: de belles récoltes… pour quelles exportations?
Avec une production de 9,1 Mt pour les orges d’hiver et de 4,3 Mt pour celles de printemps, la récolte 2019 est bien au-dessus de la moyenne. Cela pourrait laisser présager de belles exportations fourragères. Mais les autres pays européens ont aussi enregistré de bonnes moissons et ne seront donc pas aussi demandeurs qu’ils l’étaient au cours de la dernière campagne. Les orges françaises devront donc trouver preneurs ailleurs, sur les marchés de grand export. Les deux principaux acheteurs, la Chine et l’Arabie saoudite, qui réalisent pour l’alimentation du bétail la moitié des achats mondiaux d’orges, ont peu acheté en 2018/2019: le géant économique mondial a utilisé davantage de maïs pour l’alimentation du bétail eu égard au prix de l’orge. La monarchie du Golfe a eu de bons retours de ses productions avec des pluies abondantes. La France n’a donc exporté que 2,4 Mt vers les pays tiers. Et ne peut espérer que faire mieux cette fois.
* Fin août, le ministre du Commerce algérien, Saïd Djellab, a déclaré qu’il « était possible que l’Algérie n’ai pas recours à l’importation de blé cette année » en raison de « la production abondante de différents types de céréales ». L’Algérie a réalisé une récolte record de 3,9 Mt sur la campagne 2018/2019 (+ 61 %).