Cette instabilité fiscale qui les tenaille

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« Ne revenons pas en arrière », implore et déplore Christian de Tinguy, président de la fédération professionnelle représentant les opérateurs privés et exploitants de terminaux dans les ports français (100 entreprises, employeurs de 6 000 dockers). “Cela fait 25 ans que nous sommes en réforme pour arriver enfin sur le plan juridique à un modèle de fonctionnement proche de nos concurrents européens, celui du “landlord port” qui permet de recentrer les autorités portuaires sur les activités régaliennes et d’aménagement tout en réservant au privé les activités commerciales ».

Le point d’orgue de la vie d’une fédération qu’est l’assemblée générale annuelle avait habitué les entreprises du secteur aux questions sociales, héritages de la réforme portuaire de 2008, dont certains dossiers ne sont toujours pas soldés (accord sur la pénibilité) tandis que d’autres pointent (amiante, automatisation des terminaux). Mais, c’est davantage la précarité économique qu’il ont contée les 16 et 17 mai à La Seyne-sur-Mer (Var), résultant des multiples pressions fiscales exercées sur une activité, qui compte tenu des tickets d’entrée élevés, « nécessite de la visibilité et un cadre juridique stable pour sécuriser les investissements » (notamment en matière foncière).

Or, en 2018, font-ils valoir, les manutentionnaires ont relevé plusieurs attaques contre l’esprit de toutes les réformes, celles de 1992 et de 2008! Dans leur ligne de mire, le changement juridique de l’exploitation des terminaux. Leur bête noire: le fameux article 35 de la loi dite LOM* (loi d’orientation des mobilités) qui voudrait muter la « convention de terminal » en « concession de services », ce qui signifierait, selon les concessionnaires, une ingérence de l’autorité portuaire sur leur gestion. Car il suppose en effet plus de régulation de l’autorité portuaire alors que la convention de terminal, qui prévaut dans les grands ports d’Europe du Nord, s’apparente davantage à une simple occupation temporaire du domaine, avec un bail et un occupant qui « fait un peu ce qu’il veut ».

Avant cela, la décision en février 2017 du Conseil d’État (décret « Port du Verdon ») de requalifier, en s’appuyant sur une directive européenne de 2014, en concession une convention de terminal a mis le feu aux poudres. Pour les manutentionnaires, qu’il y ait eu mauvaise interprétation ou excès de zèle dans l’application, c’est surtout la traduction de l’instabilité du corpus législatif en matière de domanialité publique. Depuis, la profession s’est mise en mode militant.

« Le Parlement européen a clairement dit que ce n’était pas adapté aux terminaux portuaires. La concession convient à un service public. Nous sommes depuis 1991 des industriels opérant dans un contexte concurrentiel. Instaurer un système de gouvernance vertical via le recours au régime concessif pour les terminaux portuaires serait un retour en arrière mortifère », pointe Christian de Tinguy, par ailleurs directeur général de Terminaux de Normandie.

Présent dans la salle, Hervé Martel, ex-patron du port havrais, fraîchement arrivé à la tête du Grand Port maritime de Marseille, aura sans doute apprécié. Car le « terrible » article 35 est en partie l’œuvre du président de l’Union des ports de France. In fine, l’UPF et l’Unim ont fini par se mettre d’accord, non sans difficultés, sur les termes de l’article 35 (le projet de loi LOM avec ses 2 800 amendements est en débat à l’Assemblée nationale) en laissant le choix entre les deux régimes, la convention de terminal constituant le droit tandis que la concession serait un régime dérogatoire auquel les Grands Ports maritimes pourraient recourir « lorsque le contrat a pour objet l’exécution, pour les besoins exprimés par le Grand Port maritime, d’une prestation de services ».

Besoin exprimé par…

Mais voilà, le diable du droit étant toujours dans les détails, la loi ne précise pas le cadre ou la liste de ce « besoin exprimé par le port ». « De fait, la décision de recourir à l’un ou l’autre instrument serait laissée à la libre appréciation de l’autorité portuaire »,décrypte Renan Sevette, le délégué général de l’Unim.

Je suis incapable de vous dire ce qu’il sortira des débats du Parlement à ce sujet, confie le sénateur Michel Vaspart, le président du groupe d’études Mer et littoral, qui annonce la création d’une « mission au Sénat au service de la compétitivité maritime » dans laquelle il fera « des propositions décoiffantes ». « mais il est impératif que toutes les parties prenantes du port aillent dans le même sens car nos concurrents restent étrangers », rappelle-t-il à bon entendeur. Le sénateur annonce qu’il « déposera une proposition de loi » pour que « le gouvernement s’empare du dossier maritime ». « Je sais que le Premier ministre y est attentif. Je suis déterminé à ce qu’il avance ».

* Plusieurs dispositions concernent les ports. C’est en particulier le cas de l’article 35 mais aussi 37 (sûreté des navires et des installations portuaires) et 41 (réforme du régime d’emploi des dockers).

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