Ils « faisaient » du port à port. Voilà qu’ils se mettent à vouloir faire du porte-à-porte au nom d’un nouvel évangile: devenir des « intégrateurs mondiaux de la logistique des conteneurs ». Comprendre: contrôler l’expédition de bout en bout. Intégrer la partie terrestre. Là où se situent encore des réservoirs de flux, que seule la logistique permet d’aspirer. Maersk en a fait le vœu pieux en se donnant 5 ans. CMA CGM, qui a avalé un des 10 premiers leaders mondiaux de la logistique, prêche dans le même sens mais en le court-circuitant de vitesse. Pris isolément, la stratégie des deux armateurs, qui n’a pour l’heure pas fait de disciples déclarés (nul doute qu’ils seront scrutés), paraîtrait anodine dans un monde sans tensions, aux frontières entre les métiers figées, au pré carré des différentes parties prenantes strictement respecté. C’était antan, où les affaires se diligentaient principalement entre armateurs et freight forwarders. Chacun dans son pré et les cargaisons étaient bien gardées. Or voilà, sous l’effet de la sophistication et la maturité des technologies, les lignes entre les différents métiers se brouillent. De nouveaux entrants, Alibaba, Amazon et consorts mais aussi les plateformes d’intermédiation numériques (gonflées au financement du capital-risque), viennent bousculer les acteurs établis. La pression concurrentielle s’intensifie. Pour certains plus que d’autres, régalant la galerie des analystes, qui se mettent déjà à compter les morts dans les tranchées. Qui, des prestataires logistiques, des transitaires et commissionnaires en douane, des transporteurs… seront les plus menacés par le nouvel ordre des choses. Qui veut mettre qui hors d’état de nuire? Qui veut la faillite de l’autre?
L’accélération digitale, dont ont fait montre tout récemment les armateurs – Maersk et CMA CGM ont présenté une offre numérique permettant aux chargeurs de s’autogérer –, contribue à alimenter la machinerie intellectuelle. Voilà que les armateurs veulent aussi s’adresser directement aux chargeurs.
Un véritable champ de bataille pour le contrôle du fret… À moins que cela soit celui de l’information, des (seules) marges restantes, des petits chargeurs… Mais au final, n’est-ce pas lui, le client, qui sortira vainqueur de l’affrontement? Même pas certain.