Quel lien faites-vous entre la logique d’axe Rhône-Saône et la stratégie de façade maritime?
Jean-Christophe Baudouin: Dans l’hinterland des ports maritimes, la logique d’axe prévaut. Le niveau pertinent d’aménagement du territoire pour apporter davantage de fret sur les ports du littoral et les inclure dans les flux internationaux n’est pas la circonscription portuaire, ni même la métropole. L’axe Rhône-Saône est une réalité géographique et économique, avec beaucoup de flux interrégionaux. Contrairement à la vallée de la Seine où une grande région a un débouché maritime unique, l’axe Rhône-Saône doit s’articuler à une façade maritime, l’ensemble constituant un T à l’envers. Mon rapport portait sur le seul sujet de la gouvernance. Pour bâtir une stratégie maritime de façade, avec une politique commerciale cohérente, j’ai donc proposé la création d’un groupement d’intérêt économique (GIE). Cela profiterait à tous les ports, maritimes et fluviaux, ces derniers ayant un grand rôle à jouer pour mieux mailler l’hinterland et ramener la marchandise sur la façade méditerranéenne.
Les trois ports de l’axe Seine ont d’abord constitué le GIE Haropa en 2012 et leur fusion est en cours. Faut-il comprendre que l’axe Méditerranée-Rhône-Saône pourrait connaître le même destin?
J.-C. B.: Pour la vallée de la Seine, les choses sont claires: Le Havre est le port naturel de Paris. Sur l’axe Rhône-Saône, le périmètre est plus grand. Les deux principales métropoles de province sont concernées: Lyon et Marseille. Elles ne travaillent pas ensemble alors qu’elles sont reliées par une vallée industrielle majeure, avec des flux très importants et des emplois industriels et logistiques. L’enjeu, ici, n’est pas l’intégration des ports, mais celle des territoires. Économiquement, les ports sont très différents avec un d’entre eux, très dominant, Marseille-Fos. Répartis sur toute la façade, d’une frontière à l’autre, les autres n’en sont pas des satellites mais ont leurs propres marchés, de niche. La domination du Havre sur l’axe Seine est moins nette. La logique de façade, très importante sur la Méditerranée, n’existe pas sur la Seine. La question de la gouvernance ne peut pas donc pas non plus s’aborder de la même façon puisque nous avons ici un grand port d’État, des ports intérieurs concédés et des ports maritimes décentralisés auprès des régions, départements et intercommunalités.
Le GIE ne ferait-il pas doublon avec la démarche de Medlink Ports?
J.-C. B.: L’idée n’est pas de dupliquer. Ce que nous voulons créer, c’est un GIE de projets, de partenariats. Medlink Ports n’a pas la même approche et fonctionne dans une logique de mutualisation. Les ports ne travaillent pas ensemble. C’est un fait. Des synergies doivent être développées. Pour cela, le GIE constitue un outil très simple à mettre en œuvre et souple dans son fonctionnement. Il permet de définir des projets communs.
Quel serait son calendrier?
J.-C. B.: Il faut aller vite: ma mission est de préfigurer quelque chose qui pourrait se mettre en place à la fin de l’été. L’idée est de discuter d’abord avec les ports maritimes. Le port de Lyon, en tant que premier client de Marseille, sera intégré à la réflexion dans un second temps. L’État, en revanche, ne sera pas membre du GIE. Mais il serait ennuyeux qu’une telle proposition ne suscite pas de projet car la situation évolue en Méditerranée. Les ports méditerranéens français doivent bouger pour faire face à la concurrence.
Vous préparez un nouveau rapport sur le développement de l’axe Méditerranée-Rhône-Saône…
J.-C. B.: Il s’agira d’une quinzaine de préconisations très pratiques et concrètes que la délégation interministérielle remettra au gouvernement fin 2019 ou début 2020. Par exemple, sur la transition énergétique avec la motorisation des barges ou encore sur le transport de conteneurs depuis la Bourgogne jusqu’à Fos. Le ferroviaire est aussi important car seul le train peut faire en sorte que les ports méditerranéens se raccordent à la banane bleue européenne, en particulier au Rhin supérieur et à la Suisse alémanique. La plateforme ferroviaire de Gevrey est un point important du réseau, non pas pour le triage mais comme carrefour des flux vers le Rhin supérieur en évitant les encombrements de Lyon.
Nous travaillons aussi sur le foncier logistique, qui souffre d’une grande dispersion. La SNCF, qui dispose de foncier, est amenée à jouer un grand rôle ainsi que les ports fluviaux qui, en tant que centres névralgiques de l’intermodalité, sont les mieux placés pour organiser une logistique aujourd’hui très morcelée. La question des conteneurs fluviaux à Fos, et plus généralement celle du fret fluvial, doit s’améliorer car la situation n’est pas bonne sur le Rhône, où les infrastructures sont pourtant de qualité. Si on règle le problème de Fos, où la situation s’est déjà améliorée avec un taux de service immédiat de 85 à 90 %, cela ne relancera pas pour autant le trafic sur le Rhône car beaucoup d’entrepôts ne sont pas bord à quai. VNF, la CNR et Medlink y travaillent.
Nous expérimentons aussi l’idée d’une blockchain au service de l’intermodalité pour améliorer la traçabilité de la marchandises et la fluidité des différents modes de transport. Nos préconisations proposeront enfin un nouvelle contractualisation entre l’État et la Région