Axes portuaires et façades maritimes. Ce sont les « nouveaux » aiguillons de la stratégie portuaire nationale, telle que sollicitée par le Premier Ministre dans son discours du CIMer en novembre dernier. Avec en soubassement commun, le fluvial pour couvrir les bassins de proximité et le ferroviaire pour une pénétration plus profonde et massive, selon un principe apparemment simple: hinterland étendu rime avec volumes accrus.
Ce n’est pas le premier, et sans doute pas le dernier, « grand discours » de politique portuaire, qui fasse le souverain vœu de la reconquête de l’intermodalité et érige en totem l’aménagement fluvial et ferroviaire. « Pas la peine de faire de grands discours si on n’a pas les moyens de s’offrir l’intermodalité. En dehors des grandes déclarations, que fait-on réellement pour développer les pré et post-acheminements? », réagit instinctivement un spécialiste de la place portuaire.
Force est de constater que l’amélioration de la chaîne logistique et la desserte de l’hinterland français par le fer et le fleuve ont été de tous temps épinglées comme « des chantiers prioritaires pour la compétitivité des ports ». Un objectif déjà consigné dans la loi portant la réforme portuaire de 2008 tandis que le chapitre III de l’article 11 de la loi du 3 août 2009 relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement portait haut « l’ambition de doubler la part de marché du fret non routier pour les acheminements à destination et en provenance des ports d’ici 2015 ».
Frontières à franchir
« Objectif non atteint pour l’ensemble des GPM métropolitains, excepté le trafic des conteneurs pré et post-acheminés », tranchera la Cour des comptes en 2017, laissant tomber le couperet: « il conviendrait que l’État effectue des arbitrages clairs dans ses investissements […] le potentiel du transport fluvial est sous-exploité alors qu’il apparaît fiable, sécurisé et compétitif ».
On retiendra que, quand les investissements ont été faits, que ce soit « à la hâte et sans analyse préalable » comme le soutiennent les sages de la rue Cambon, ils ne donnent pas les résultats escomptés, à l’instar du terminal rail/fleuve du Havre, qui a coûté cher et cherche encore son équilibre économique.
Aujourd’hui, les débats se focalisent sur les choix d’infrastructures dont dépendrait la performance des dessertes portuaires. Quelques nœuds ont été élus au statut de verrous à faire sauter. Parmi les plus critiques: le contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise, capital aux ports de l’axe Méditerranée-Rhône-Saône; le canal Seine Nord-Europe essentiel à ceux de l’axe Seine et des Hauts-de-France pour relier le bassin de la Seine aux 20 000 km du réseau fluvial européen à grand gabarit. La simplification des liens ferroviaires avec la région parisienne passe aussi par le segment Serqueux-Givors, garantissant le contournement fret de Rouen et du Val-de-Seine. Au-delà, on pourrait évoquer le raccordement Sud direct (route du blé pour Rouen) voire le grand contournement ferroviaire de l’Île-de-France vers le Grand-Est (dont on n’entend plus parler).
Autant d’investissements qui pourraient être clarifiés dans la loi d’orientation des mobilités (LOM) mais qui buttent toujours sur un incontournable: la compétitivité du transport routier et au fait que, « si nous ne sommes pas compétitifs, il faut investir de l’argent public pour prendre en compte le fait que les trains polluent moins », termine Hervé Martel, avec son titre de président des ports.
Quel effet pourrait avoir un Haropa « encore plus intégré » sur la consolidation du fluvial sur la Seine? Que mettre dans le GIE de l’axe Rhône-Saône-Méditerranée, où aucune fusion n’est annoncée ni même envisagée. Quelle stratégie intermodale dans les Hauts-de-France? Dans la perspective du canal Seine-Nord, faudrait-il déjà penser à une logique inter-axe? Ce sont tous ces points, et bien d’autres, que nous avons posés dans ce dossier…