Préconisée par le délégué interministériel au développement de la vallée de la Seine, le préfet François Philizot, dans son rapport de mars 2018, l’intégration dans un établissement portuaire unique des trois ports constituant Haropa a été annoncée par le Premier ministre, Édouard Philippe, lors du Comité interministériel de la mer qui s’est tenu à Dunkerque en novembre dernier. Avec une échéance proche, puisque le nouvel ensemble doit être opérationnel au 1er janvier 2021. L’axe Seine est en effet celui où la coopération interportuaire est la plus avancée et celui pour lequel une fusion est plus facile, les Grands Ports maritimes du Havre et de Rouen et le Port autonome de Paris étant dans le giron de l’État. Par ailleurs, la constitution d’un groupement d’intérêt économique (GIE), solution qui a fait ses preuves sur l’axe Seine depuis la constitution de Haropa en 2012, n’est qu’en préparation pour l’axe Méditerranée-Rhône-Saône alors que l’axe Nord n’en est pas encore là.
« La volonté de faire une politique maritime et portuaire semble ferme, salue le président de l’Union maritime et portuaire du Havre, Michel Segain. La fusion a économiquement un sens et est importante pour l’image de l’axe Seine au niveau mondial. Elle devrait apporter une dynamique et y drainer de nouveaux trafics ».
Conformément à la lettre de mission reçue le 7 février 2019, la préfiguratrice nommée par le gouvernement pour préparer le nouvel établissement portuaire, Catherine Rivoallon, a commencé par installer une concertation en vue de préparer un projet stratégique pour Haropa pour la période 2020-2025. « J’ai l’expérience en tant que client du port, c’est pourquoi il m’a paru essentiel, dans la mission qui m’est confiée consistant à créer un hub portuaire plus attractif, de commencer par fixer un cap et d’établir une stratégie pour les cinq prochaines années, mais aussi un vision pour le plus long terme, car l’objectif est de créer un outil pérenne pour les décennies à venir, explique, par ailleurs la présidente du port de Paris, qui s’attèlera ensuite à la gouvernance et aux volets juridique et financier de la fusion. « Nous avons commencé par mettre en place des groupes de travail par filières avec nos plus gros clients, puis avec les territoires, sans lesquels un port ne peut se développer ». Ils sont en place depuis le 17 mai.
Statut non finalisé
Courant juin, un groupe de travail réunira aussi les élus des territoires. L’objectif est de rendre à l’automne 2019 au gouvernement les premières propositions, puis d’adopter le projet stratégique avant la fin 2020.
Le volet social été une priorité de la préfiguratrice. Elle a initié dès février une première rencontre avec les syndicats, à l’échelle de l’axe Seine et non port par port. Elle maintient depuis des réunions régulières organisées. « Toutes les organisations syndicales répondent à nos sollicitations, avec un très bon niveau d’échanges sur les thématiques identifiées en commun », déclare Catherine Rivoallon, qui souligne aussi une forte volonté d’implication des collectivités avec lesquelles elle entend co-construire le projet stratégique.
Concernant la gouvernance du futur ensemble, rien n’est encore décidé, Catherine Rivoallon s’appuyant pour cela sur le comité de préfiguration présidé par Valérie Fourneyron, ancienne députée de Seine-Maritime et autrice en 2016 d’un rapport parlementaire sur l’attractivité des ports maritimes de l’axe Seine. Seule certitude: la fusion des trois ports donnera naissance à « un établissement unique qui ne sera pas un Grand Port maritime mais un établissement public de l’État, dont le statut n’est pas encore finalisé ».
La fusion des deux GPM de Rouen et Le Havre avec le port fluvial de Paris, qui ont des statuts différents, nécessitera une modification du code des transports à l’occasion de la LOM. La répartition entre ce qui relèvera du nouvel ensemble, dont le lieu n’est pas encore fixé, et de chacun des trois sites, qui conserveront une certaine latitude d’action, n’est pas encore arrêtée.
Meccano administratif
« Les choses avancent de façon méthodique: la concertation sur le projet stratégique avant le meccano administratif », souligne François Philizot, qui pour la première fois depuis longtemps a réuni le 14 mai 2019 le Conseil de coordination interportuaire, qu’il préside, en présence de Catherine Rivoallon. « L’ambiance est très apaisée, indique-t-il. La région Normandie, qui a revendiqué la régionalisation des ports, joue aujourd’hui le jeu d’un partenariat fort. Les acteurs économiques sont satisfaits des perspectives tracées par l’État. Les inquiétudes s’atténuent à Rouen, qui redoutait l’absorption par Le Havre, comme à Paris, dont la présidente du port a été nommée préfiguratrice ».
Des différents dossiers à traiter, recensés par François Philizot dans son rapport, Catherine Rivoallon a mis sur le dessus de la pile la transition énergétique et environnementale, ainsi que la multimodalité. « Un port à l’échelle de l’axe Seine ne sera efficace que s’il est puissant sur son hinterland. D’où l’intérêt du volet multimodal ». À ces thématiques, elle en rajoute une qui ne figurait pas en première place dans le rapport du préfet: l’innovation en matière de numérisation et de smart logistic.