Contraint à innover. C’est désormais une réalité pour le transport maritime, longtemps épargné par les réglementations pour la pollution dont il est comptable alors qu’il représente plus de 80 % du transport mondial de marchandises.
Ces dernières années, un agenda environnemental, visant plusieurs de ses émissions polluantes, l’a renvoyé à sa réalité: si le shipping est le moyen de transport le moins « fauteur » de gaz à effet de serre à la tonne/km, comparativement à l’aérien et au routier, avec quelque 3 % des émissions mondiales selon l’Organisation maritime internationale (OMI), il n’en demeure pas moins un gros émetteur global.
Et il est désormais prié de se désintoxiquer du fuel lourd auquel il se « shoote » depuis des années – selon l’AIE, le transport maritime représente 5 % de la demande mondiale de produits pétroliers – et de se débarrasser d’ici une ou deux décennies de toutes les toxines dont il leste l’atmosphère. Et cela, conformément à l’ambitieuse stratégie climatique arrêtée par l’OMI en 2018, à savoir réduire les émissions de CO2 à la tonne transportée d’au moins 40 % d’ici 2030 par rapport à 2008 et de 50 % d’ici 2050. Une marche forcée pour respecter l’accord de Paris par lequel 195 pays se sont engagés à maintenir le réchauffement planétaire largement en dessous de 2 °C. Ce qui signifie très concrètement que d’ici-là devra rentrer dans la flotte mondiale des navires à zéro émission!
Avant cela, sans plus tarder, l’industrie maritime devra satisfaire une autre exigence de l’OMI, celle-ci adoptée en 2016: utiliser des carburants marins, dont la teneur en soufre n’excède pas 0,5 % contre 3,5 % aujourd’hui. Et il est fort probable que les particules fines, qui font déjà l’objet de quelques contraintes, soient condamnées, elles aussi, à moyen terme.
Les stratégies pour atteindre ces objectifs, qui visent plusieurs types d’émissions, sont multiples et variées: carburants alternatifs, vitesse écoresponsable, technologies d’abattement, dont la plus connue est le fameux scrubber.
À l’approche de l’entrée en vigueur du plafond de soufre, condamnant le fuel lourd si les cheminées ne sont pas équipées de ces dispositifs d’épuration des gaz, les échanges se crispent dans un univers d’ordinaire si feutré. Aucune technologie n’aura en effet autant clivé le secteur que les scrubbers, condamnés à court terme.
Et si les armateurs le savent, tout comme ils entendent leurs représentants institutionnels prêcher que la bonne attitude est « le panachage de solutions », ils ont pourtant opté massivement pour ces épurateurs de fumées (31 % du carnet de commandes mondial en tonnages sont désormais livrés, équipés de ces dispositifs). Le prix à payer pour continuer à utiliser un fuel lourd et calmer leurs angoisses quant à la disponibilité d’un carburant ne contenant que 0,5 % de soufre en quantité suffisante et partout dans le monde?
Et 2050…
Quoi qu’il en soit, l’industrie du transport maritime aura besoin de bien d’autres solutions que celles évoquées pour passer aux navires neutres en carbone tant dans l’exploitation que la conception. Maersk s’est engagé publiquement en décembre dernier à ce que « des navires zéro carbone soient techniquement efficients d’ici 2030 » et a enjoint toute la filière à « s’unir » pour développer « le nouveau type de navires » qui navigueront en 2050…
Message reçu 5 sur 5, a répondu CMA CGM quelques jours plus tard de façon laconique en rappelant toutefois son propre engagement: « Le groupe CMA CGM se félicite de l’annonce faite par Maersk qui rejoint notre engagement en faveur d’une transition énergétique du transport maritime et fait suite à notre décision de propulser nos prochains navires au GNL ».
Le français est en effet à ce jour le premier et seul grand armateur de porte-conteneurs à avoir autant pris parti – 9 + 5 nouveaux navires – en faveur du GNL.
Pour l’heure, l’appel de Maersk en faveur d’un transport maritime zéro carbone n’a pas donné lieu à un enthousiasme débordant. Le numéro 2 mondial, MSC, a rappelé pour sa part ses convictions quant à sa méthode pour traiter la pollution causée par ses navires, préconisant une approche multi-solutions (étude du GNL, carburation hybride) tout en se démarquant des objectifs jugés « ambitieux » de son partenaire de l’alliance 2M.