La perte du passeport européen ne concerne pas seulement les compagnies d’assurance, mais aussi la justice britannique. Or les connaissements maritimes, comme les polices d’assurance, comportent très souvent une clause de compétence orientant les parties, en cas de litiges, vers les tribunaux britanniques ou une chambre arbitrale londonienne.
« Aujourd’hui, une décision rendue à Londres est directement exécutoire sur tout le territoire de l’UE, précise Guillaume Brajeux, avocat associé du cabinet HFW. Avec le Brexit, il faudra, pour exécuter la décision rendue à Londres, demander l’exequatur auprès d’un tribunal d’un État membre, ce qui est une procédure complexe. Si le contrat comporte une clause compromissoire, et que les parties soumettent leur litige à arbitrage, un tribunal français donne force exécutoire à une sentence arbitrale au terme d’une procédure beaucoup plus légère ».
Lorsque le droit anglais est choisi dans un contrat, il est donc bon de prévoir une clause d’arbitrage pour anticiper le Brexit. Mais, si le secteur maritime a tendance à privilégier la place de Londres pour s’assurer comme pour s’en remettre à la justice ou à l’arbitrage, les choses pourraient changer. Selon Guillaume Brajeux, « on peut imaginer que beaucoup d’acteurs du maritime se tourneraient davantage vers le droit civil, continental. Il y a, en France, la Chambre de commerce internationale, la Chambre arbitrale maritime française et sa représentation internationale, et le tribunal de commerce de Paris a créé en 2018 une chambre internationale, ce qui ouvre la possibilité d’avoir un procès en France avec des documents et des plaidoiries en anglais ».
La place de Londres, de l’avis général, ne devrait cependant pas perdre sa prédominance. « Il est clair que le marché de Londres restera un marché phare pour l’assurance maritime, même après le Brexit », estime Régis Broudin, responsable sinistres maritimes de Allianz Global Corporate &Specialty.
« L’écosystème maritime est anglais, résume Bernard Mettetal, avocat spécialisé en assurance maritime.Les assureurs japonais ou américains opèrent depuis Londres car on y trouve les courtiers maritimes, la finance, ainsi que les avocats spécialisés, soit toute l’infrastructure dont l’assurance a besoin de s’entourer ».