Au lendemain du Brexit, les sociétés britanniques d’assurance maritime pourront-elles continuer à exercer leur métier dans l’UE? Le Haut comité juridique de la place financière de Paris a rendu en septembre 2018 un rapport sur les conséquences juridiques du point de vue de l’assurance, éclairant notamment la question de la continuité des contrats au profit des assurés français, conclus à Londres ou ailleurs en Europe avec des assureurs anglais. Ces derniers bénéficient en effet d’un « passeport européen », c’est-à-dire de la possibilité, en vertu de la libre circulation des services, de proposer des assurances de droit britannique dans leurs succursales de tous les pays de l’Union, sans avoir à y créer de filiales agréées localement. L’accord négocié entre l’UE, sous la houlette de Michel Barnier, et le gouvernement britannique de Theresa May, prévoit de prolonger de deux ans après le Brexit la situation actuelle de façon à permettre la négociation de nouveaux accords de libre-échange de part et d’autre de la Manche. Un délai plutôt court, vu la difficulté à négocier de tels accords, en particulier en ce qui concerne le droit applicable. Pour éviter aux assureurs britanniques de perdre leur passeport européen, il y aurait bien eu la solution « à la norvégienne », proposée par Michel Barnier, qui aurait consisté pour la Grande Bretagne à rester membre de l’Espace économique européen. Londres aurait alors bénéficié de quasiment tous les avantages des pays membres, mais en appliquant la réglementation européenne sans participer à son élaboration. Les Britanniques soucieux de leur autonomie juridique ne veulent plus être soumis à la Cour de justice de l’UE, ni à la Cour de justice de l’Association européenne de libre-échange. La solution norvégienne présente aussi une autre tare rédhibitoire pour les « Brexiters »: elle garantit non seulement la liberté de circulation des capitaux, des biens et des services (dont l’assurance), mais également celle des personnes, ouverture européenne des frontières indésirable à leurs yeux.
En cas de Brexit sans accord?
« Il fallait trouver une solution pour qu’un Brexit dur, s’il intervient, ne crée pas de rupture pour les particuliers comme pour les entreprises, explique Gérard Gardella, secrétaire général du Haut comité juridique de la place financière de Paris. Car il entraînerait la perte immédiate du passeport européen des sociétés britanniques d’assurance. Les contrats en stock, selon les experts de notre groupe de travail, seraient impactés ».
Pour éviter une rupture défavorable aux assurés, le gouvernement français, par l’ordonnance du 6 février 2019, a prévu la continuité des contrats d’assurance. Mais ces dispositions ne s’appliquent qu’aux contrats en cours au jour du Brexit, sans possibilité de renouvellement. C’est pourquoi les assureurs britanniques ont pris les devants et créé des filiales dans plusieurs pays européens, notamment au Luxembourg et en Irlande, mais aussi en France (Chubb). « Ainsi, la continuité sera assurée, mais toutes les polices devront être réécrites. Un travail long et compliqué, soupire Bernard Mettetal, avocat associé fondateur du cabinet HMN, spécialisé en transport et assurance maritime. Pour les corps, le Brexit n’est pas vraiment un problème, car ils sont toujours assurés de façon internationale, mais ce n’est pas le cas pour les marchandises, où il y a obligation de souscrire dans l’UE ».