Dans les mailles d’un quotidien en mode accéléré, d’une société sous tension des technologies qui impriment leur rythme effréné, d’un travail soumis à des impératifs de rendement, d’un environnement sous l’emprise d’une guerre de vitesse, tous intoxiqués par l’injonction d’aller vite…l’éloge de la lenteur paraît incongrue.
Alors qu’en France, réticente aux moindres sens interdits, la limitation de vitesse a viré à l’insurrection populaire, voici qu’elle est de nouveau sanctifiée chez les armateurs qui lui trouvent beaucoup de vertus, précisément à un moment où le transport maritime est sommé d’amender son rapport à l’environnement en faisant ceinture sur nombre d’émissions polluantes conformément aux exigences climatiques (très ambitieuses) arrêtées par l’Organisation maritime internationale (OMI).
Ces dernières semaines, les armateurs n’avaient que ce mot à la bouche. Étrangement, la solution qui ne leur coûte rien ou si peu, ressurgit comme un la panacée à tous les maux environnementaux. Avec le soutien et l’engagement de parlementaires…
Sans les taxer d’une manœuvre dilatoire pour camoufler des difficultés à satisfaire un agenda environnement particulièrement contraint, il faut reconnaître que la régulation de la vitesse, c’est un peu la solution à tout faire, consensuelle, ne nécessitant pas d’investissements technologiques, ni d’aménagements techniques sur les moteurs, sans impacts ou presque sur un plan opérationnel. On la considère comme pertinente pour absorber la surcapacité. On l’évoque aussi pour ses vertus en cas de hausse du cours du pétrole. Et surtout elle est largement plébiscitée pour ses effets simples et mécaniques: moins consommer, c’est moins polluer.
Mais sans impulsion politique, rien ne se passera. Et voilà que le gouvernement français la reprend à son compte pour en faire le pivot d’un projet qu’il a déposé auprès de l’OMI et qui sera étudié à l’occasion du 74e Comité de la protection du milieu marin de l’OMI en ce mois de mai, session où va se négocier la stratégie à mettre en œuvre pour que le transport maritime respecte l’agenda environnemental.
Reste que l’OMI, qui n’a pas de pouvoir de sanction, est à la merci des négociations, et que ses espaces de dialogue n’ont rien de l’entre-soi puisque 174 membres ont voix au chapitre. Et quand le pétrole est en jeu…, les lobbies sont forts surtout quand l’Arabie Saoudite est à la table. Festina lente: « Hâte-toi lentement! »