L’assemblée générale des actionnaires confirmera finalement l’actuel patron à la tête du groupe italien de construction navale, futur repreneur des Chantiers de l’Atlantique. Le Mouvement 5 Étoiles (M5S) aura pourtant tout tenté pour éviter que ce manager âgé de 75 ans et depuis 15 ans aux commandes de Fincantieri (contrôlé par l’État) soit confirmé dans ses fonctions.
Le parti politique au pouvoir lui reprochait notamment son salaire et ses bonus « qu’il s’attribue ponctuellement en toute autonomie », ses amitiés politiques, un peu à droite, dans l’entourage de Silvio Berlusconi dont le gouvernement l’avait nommé en 2002 à la tête de Fincantieri, et un peu à gauche aussi. Et aussi, ajoutait le M5S qui souhaitait placer l’un de ses proches, il occupait depuis trop longtemps le fauteuil d’administrateur délégué. Mais face aux bons résultats du groupe depuis la nomination de Giuseppe Bono au poste d’administrateur délégué en 2002 et à ses nombreux soutiens puisque même les syndicats ont fait entendre leur voix à quelques heures de la réunion du conseil d’administration, le M5S a du s’incliner.
Lorsqu’il débarque en 2002 après une carrière au sein des fleurons de l’industrie italienne – Omeca du groupe Fiat-Fimeccanica, Efim, Sopal (agroalimentaire) Aviofor (défense et transports)… –, lesté d’un carnet d’adresse épais comme l’Ancien Testament, le constructeur naval est en difficulté. Du pain béni pour cet Italien né en Calabre dans le sud profond de la péninsule, orphelin de père très jeune. On le dit tenace, déterminé, acharné à la tâche, ambitieux mais aussi très réservé. Il se dit même que le jeune Bono se destinait à la prêtrise. Sa devise demeure « ne soit pas fidèle à toi mais à l’entreprise ».
Appétit italien
Spécialiste des questions budgétaires et de la planification des grandes entreprises, qu’il a d’ailleurs développés dans sa thèse universitaire soutenue en 1970, il affiche de grands projets pour le groupe. Mais la crise financière qui ébranle l’Italie en 2008 et n’épargne aucun secteur l’oblige à revoir sa feuille de route. Pour contrecarrer ses effets pernicieux, Giuseppe Bono risque un repositionnement du constructeur, diversification et internationalisation en tête. Dès 2009, il met le chantier américain Marinette, fournisseur de la Marine américaine, dans son cadie. En 2013, il acquiert auprès de STX Europe le spécialiste des navires hauturiers StxOsv (rebaptisé ensuite Vard) et prépare en parallèle l’entrée en bourse de Fincantieri qu’il programme pour 2014. Puis il tourne ses regards vers Saint-Nazaire qui héberge la proie séduisante des Chantiers de l’Atlantique. En octobre dernier, Giuseppe Bono parvient à arracher au gouvernement un contrat pour reconstruire le pont de Gênes. L’affaire fait grincer de nombreuses dents, certains crient à la mauvaise décision en brandissant le profil naval du groupe, qui a pourtant apposé sa griffe dans la construction des grandes infrastructures.
Au lendemain de sa confirmation au poste d’administrateur délégué, Giuseppe Bono avoue avoir plein de projets en tête pour planter d’autres drapeaux aux côtés de ceux qui flottent déjà sur une vingtaine d’établissements aux coins de quatre continents et accélérer la politique de diversification, la clef de la success story de Fincantieri et la sienne.