Alors que les réglementations existent, l’association de défense de l’environnement Robin des Bois, en tête de proue sur cette problématique depuis bien des années, s’étonne que ce genre d’aléas puisse encore se produire: « les porte-conteneurs perdent chaque année dans leurs traversées des dizaines de milliers de colis (…) qui contribuent à faire des océans et du littoral des décharges sauvages, alors qu’ils pourraient être évités avec des mesures comme la réduction de la vitesse, la mise à l’abri dans des baies refuges ou encore la pesée de chaque conteneur. Depuis plus de 20 ans est évoqué par les spécialistes un balisage de chaque conteneur embarqué qui pourrait faciliter la relocalisation en cas de chute à la mer. Ce système est d’année en année repoussé par les chargeurs et les armateurs peu soucieux d’assurer la traçabilité de ce trafic opaque marqué par la précipitation et les fausses déclarations », tonne l’association.
Depuis les naufrages de l’Erika et du Prestige, la législation européenne sur la sécurité maritime dispose en effet d’un arsenal législatif, notamment à travers l’adoption d’un ensemble de mesures dits paquets Erika I, II et II et la création d’un organisme dédié, l’AESM. Les inspections techniques sont devenues une règle et la base de données Thetis, installée en 2010 sous l’égide de l’UE, garde la trace de toutes les inspections de sécurité des navires réalisées dans ses ports (sans toutefois pouvoir remonter au-delà des trois ans).
La vérification du poids des conteneurs avant le chargement des conteneurs emballés à bord des navires est une obligation depuis 2016. Un code d’usages (approuvé en 2014) pour l’emballage des conteneurs décrit les procédures et techniques spécifiques de sécurité. Typiquement, le Grande America a fait l’objet de quatre contrôles ces deux dernières années, au cours desquelles une trentaine de déficiences techniques ont été relevées dont certaines relatives aux marchandises dangereuses.
Lacunes de SOLAS?
Ce qui fait croire aux ONG que si le secteur du transport maritime est largement encadré, l’application des normes est insuffisamment contrôlée. La Surfrider Foundation Europe, ONG spécialisée dans la protection des océans, estime pour sa part que le système de déclaration de la cargaison se polarise sur le poids de chaque conteneur, « les marchandises transportées n’étant que succinctement prises en compte ». L’association estime en outre que le « ship planning » peut ne pas être totalement conforme au descriptif de la répartition de la cargaison fourni au port, l’armateur pouvant embarquer de nouveaux conteneurs, même après avoir déposé le fameux document.
« Avec l’accélération croissante des mouvements et des chargements, les dockers, les inspecteurs, les armateurs et le commandant du bateau manquent de temps pour vérifier les conteneurs et contrôler la fiabilité des déclarations », plaide l’ONG Robin des Bois. Contrôler un porte-conteneur de 16 020 « boîtes » reviendrait à inspecter 97 km de camions mis bout-à-bout, répliquent les concernés.
« Il reste encore beaucoup à faire pour atteindre une véritable intégrité du fret. Notre campagne vise un changement culturel et comportemental important », explique pour sa part Peregrine Storrs-Fox, directeur de la gestion des risques au sein de TT Club, qui estime que des mesures législatives ainsi qu’une plus grande application des réglementations et inspections seront nécessaires.