Saison II, épisode 57. Comme le nombre de pages que vient de livrer l’International transport forum (ITF) de l’OCDE en arrière-plan de l’inoxydable série diffusée depuis quelques années dans laquelle les principaux protagonistes, soutenus par un casting de premier ordre (armateurs et chargeurs), se donnent la réplique suivant un scénario impeccable: les alliances ou consortiums maritimes sont-ils trop puissants? Ces derniers temps, le débat s’hystérise entre deux forces distinctes, l’International Transport Forum (ITF) et le World Shipping Council. En quelques mois, le think tank de l’OCDE a publié deux rapports totalisant près de 200 pages et détaillant les raisons pour lesquelles les armements conteneurisés réunis en alliances ne devraient plus bénéficier du traitement spécial qu’ils ont reçu de Bruxelles. Alors même que la Commission européenne doit se prononcer sur le renouvellement de l’exemption de groupe dont ils bénéficient mais qui arrive à échéance en avril 2020. Ces derniers jours, les échanges entre les deux antagonistes se sont tendus, virant à l’arc électrique avec pour cible l’auteur des deux rapports, Olaf Merk. Mais pourquoi tant d’acharnement, s’interroge le respectable mais chiffonné Council. Mais comment un secteur a-t-il réussi à obtenir et maintenir un système réglementaire sur mesure, grimace l’économiste respecté dans le shipping.
Au-delà des amabilités, c’est l’intrigue qu’il faut déjouer. L’ITF, dans sa première publication, révélait l’emprise: les trois premières alliances (2M, Ocean Alliance, The Alliance) dominent à 80 % les routes maritimes les plus fréquentées. Dans sa deuxième salve, l’ITF affine son concept. Sur les 27 consortiums identifiés sur les routes commerciales à destination et en provenance de l’Europe, seuls quatre d’entre eux détiennent une part de marché inférieure aux 30 %.
Mieux. Jusqu’en 2015, les alliances d’armateurs avaient des parts de marché inférieures à 50 % sur les principales routes Est-Ouest impliquant l’Europe. En 2018, la part dépassait 95 % pour les services Asie-Europe et plus de 70 % pour l’Amérique du Nord. Sur diverses liaisons, les alliances individuelles représentent même plus de 30 % de capacité. Ainsi la part de marché de l’Alliance 2M était-elle de 39 % en Asie-Méditerranée et de 35 % en Asie-Europe du Nord au 4e trimestre 2018.
« Les accords de partage de navires sont des outils essentiels pour fournir des services de ligne efficaces, respectueux de l’environnement et fréquents vers tous les pays du monde », plaide le World Shipping Council.
« Il est peu probable qu’une abrogation des exemptions par catégorie entraîne la cessation des alliances actuelles et futures, car celles-ci pourraient encore être autorisées au cas par cas en vertu du droit de la concurrence. Toutefois, elle dissuaderait plus efficacement tout comportement anticoncurrentiel dans le secteur », intercède l’ITF. Un juge de paix?