L’éolien en mer constitue une opportunité majeure pour la transition énergétique, avec un potentiel estimé par l’Ademe à 30 000 MW. Pourtant, malgré de nombreux projets, une seule éolienne flotte au large des côtes françaises, entrée en service en octobre 2018 le long des côtes du Croisic. Au niveau européen, au contraire, l’éolien offshore se développe rapidement, avec 16 000 MW installés à fin 2017, soit 85 % de la capacité de production mondiale. La France entend combler rapidement son retard avec six champs d’éoliennes sur les côtes de la Manche et de l’Atlantique. Ils devraient avoir recours pour leur installation aux capacité de manutention de colis lourds des ports maritimes.
Les deux premières usines de production d’éoliennes en France ont d’ailleurs été implantées dans des ports. La première, inaugurée en 2014 à Saint-Nazaire par Alstom (aujourd’hui General Electric), produit des génératrices et des nacelles. La seconde, mise en chantier par LM Wind (filiale de General Electric) à Cherbourg en 2017, commencera avant la fin 2019 la production des pales d’éoliennes les plus longues au monde (107 m). Et d’autres suivront.
Infrastructures redimensionnées au Havre
Au Havre, Siemens a ainsi annoncé début mars la construction d’une usine, prête fin 2021 à construire des pales et assembler des nacelles, à destination notamment des champs de Yeu-Noirmoutier, du Tréport et de la baie de Saint-Brieuc. Des transports sont à prévoir pour les ports concernés ainsi que les chargements des mâts et des fondations, colis particulièrement lourds lorsqu’il s’agit d’éoliennes utilisant des blocs de béton pour fondations gravitaires.
Ces activité dans les ports maritimes pour l’éolien offshore devraient bientôt prendre de l’ampleur, car les chantiers, de 500 MW chacun, attribués par appel d’offres du gouvernement entre 2012 et 2014, vont enfin démarrer dans les mois qui viennent, après avoir fait l’objet de nombreux recours juridiques. Ils doivent entrer en production en 2021 pour celui situé au large de Saint-Nazaire, en 2022 pour Fécamp, en 2023 pour Courseulles-sur-Mer, Saint-Brieuc et Le Tréport, et 2024 pour Yeu-Noirmoutier. En 2020 devrait aussi commencer l’installation d’éoliennes flottantes entre Groix et Belle-Île. Enfin, une décision est attendue avant l’été pour l’attribution d’un champ de 500 MW également, qui doit être installé au large de Dunkerque.
Du côté des ports, on se tient prêt à faire face à ces trafics. Au Havre, Adwen, filiale commune de Siemens et Gamesa, a déposé en février 2019 le permis de construire de sa future usine de construction de pales et de nacelles d’éoliennes. Le site de 40 ha, situé quai Joannes Couvert, à l’entrée du port, servira aussi de hub logistique pour l’expédition des éoliennes. Le port a entamé en octobre 2018 des travaux d’aménagement et de renforcement des quais, pour permettre à Adwen d’amorcer en mars 2020 la construction de son usine. Les infrastructures maritimes seront aussi redimensionnées par le port, pour être prêtes en 2023 à voir passer ces nouveaux types de colis.
Toujours au Havre, la Société éolienne offshore des Hautes-Falaises (EOHF), portée par un consortium mené par EDF, va s’installer quai de Bougainville pour la construction des fondations gravitaires pour les 83 éoliennes du champ de Fécamp. Le port prévoit que la construction de ces fondations gravitaires va employer 600 personnes au Havre, le temps du chantier.
À Cherbourg, un quai à colis lourds a été construit dès 2015, spécialement renforcé avec une portance de 15 t/m2, ce qui est « unique au niveau national » selon Jérôme Chauvet, directeur du développement des Ports de Normandie.
Quai super-renforcé à Cherbourg
D’un linéaire de 320 m, le quai à colis lourds bénéficie d’un terre-plein attenant de 100 ha et est dédié en priorité aux énergies marines renouvelables, mais a accueilli, depuis, différents trafics: en 2018, il a servi au chargement de quatre bateaux construits au chantier CMN de Cherbourg et au déchargement de trois colis pour la centrale EDF de Flamanville et du moule de plus de 100 m de long qui servira à la fabrication de pales d’éoliennes par l’usine LM Wind.
« Par essence, les colis lourds ne sont pas des trafics réguliers mais nous espérons que la fabrication de pales va apporter sur ce quai des chargements fréquents », indique Jérôme Chauvet, qui précise qu’un « contrat a été passé avec EDF pour que Cherbourg soit le port d’installation des champs de Courseulles et de Fécamp ». Pour le premier, les éoliennes seront installées sur des tubes monopiles, dont le port de transit n’est pas encore connu. Pour le second champ, les fondations gravitaires seront construites au Havre. Pour les deux, les turbines produites dans l’estuaire de la Loire transiteront par Cherbourg avant d’être rechargées sur un navire jack-up. « Le port de Cherbourg est dans une logique de chantier pour l’installation de ces deux champs, qui devrait durer chacun environ un an, en fonction des conditions météo, ajoute Jérôme Chauvet. Mais d’autres parcs sont prévus à l’échelle de la Manche, pour lesquels l’on se positionnera aussi ». Situé à proximité du raz Blanchard, où le courant de marée peut atteindre 12 nœuds, Cherbourg est également bien placé pour servir de base arrière à l’installation éventuelle de futures hydroliennes.