Anvers sous pression, le breakbulk en danger

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Bien qu’en déclin, le breakbulk reste un trafic lucratif. Il suscite donc des convoitises. En position de force en Europe du Nord pour le conventionnel, Anvers doit désormais composer avec les prétentions de ses voisins, notamment Rotterdam et Flessingue, fortement intéressés par ces trafics à la valeur ajoutée nettement supérieure à celle des expéditions en conteneurs. L’ensemble North Sea Port (Flessingue/Terneuzen/Gand) revendique son leadership à l’échelle européenne avec un trafic de 11,8 Mt (+ 4,5 %), mais avec Gand qui y contribue à hauteur de 4 Mt. Dunkerque, grâce à ArcelorMittal, récupère en outre des exportations de coils en conteneurs qui, jusqu’à présent partaient d’un terminal anversois.

Handicapés par une organisation du travail portuaire qui pèche comparativement aux ports voisins voire à certains de ses homologues belges, par des frais de « réception » plus élevés mais négociables (déchargement des navires, logistique sur terminal, etc.), le port flamand conserve de sérieux atouts pour traiter ces marchandises à part: des infrastructures de qualité, des terminaux spécialisés équipés, une main-d’œuvre qualifiée, des rendements de manutention inégalés, des frais de port acceptables et une fluidité de coopération entre l’autorité portuaire et les manutentionnaires.

Dans la sémantique du port belge, les trafics conventionnels concernent deux techniques, à savoir les manutentions en lo-lo qui concentrent la majeure partie de ce trafic, et en trans-roulage, que les statistiques portuaires « rangent » dans la catégorie des marchandises diverses. À Anvers, les volumes en jeu s’établissaient l’an dernier à 15,5 Mt (-1,1 %)*. Ce sont ces flux en stagnation que se partagent 17 terminaux. En 2000, les trafics conventionnels avoisinaient les 18 Mt.

Raz-de-marée du conteneur

Le spécialiste belge du breakbulk n’échappe pas à l’offensive du conteneur. Et l’arrivée de mégamax, qu’il faudra remplir, va encore accroître le phénomène, et partant, la volatilité des taux de fret.

Première digue cédée, les denrées périssables. Le principal manutentionnaire de fruits « Belgian New Fruit Wharf » a traité 85 % des 1,2 Mt enregistrés en 2018 en conteneurs reefers, ne laissant plus que quelques miettes au conventionnel. La même évolution est observée sur son terminal à Zeebrugge.

Des marchandises, a priori sanctuarisées, sont aussi en train de basculer. Le trafic des aciers – 8,6 Mt en 2018, dont 3,9 Mt au chargement, encore en croissance de 3,5 % – était en 2007 proche des 13 Mt. Entre-temps, le conteneur a opéré, mais Anvers demeure le principal port de la rangée nord-européenne pour les fers et aciers.

Le principal client du port, l’armement Clipper, a chargé en 2018 au terminal spécialisé de l’opérateur portuaire singapourien PSA près de 800 000 t à destination de la côte Est des États-Unis, du Golfe et du Mexique. Outre l’impact des surtaxes imposées par l’administration américaine, ce trafic est confronté, du moins pour les importations aux États-Unis, à la baisse des prix observée par sidérurgistes américains, qui ont décidé d’augmenter quelque peu leurs productions.

L’armement Fednav est un autre gros client d’Anvers. Sa filiale Falline a chargé au cours de 40 escales au même terminal PSA 500 000 t en breakbulk à destination des ports canadiens le long du St-Laurent, et américains, des Grands Lacs. Pour l’heure, la majoration des aciers destinés aux continent américain n’a pas impacté les produits spéciaux, que les sidérurgistes américains ne traitent pas ou du moins pas encore. Les réceptionnaires paient. Au global, PSA a traité 2,2 Mt d’aciers en 2018 (+ 3,8 %), dont près de 770 000 t de coils.

Nova Natie Logistics a, pour sa part, manutentionné 1,2 Mt de breakbulk, dont 70 % de produits sidérurgiques, à parité égales entre chargement et déchargement, de/vers l’Afrique du Sud, la côte Est américaine, les Caraïbes, le Chili et Pérou. Via Nova Natie Logistics sont également expédiés des aciers en conteneurs de 20 et 40 EVP. Ainsi Vallourec ou Pont à Mousson expédient régulièrement par Anvers d’importantes quantités de tubes en conteneurs vers l’Outre-mer. Le conteneur a aussi des impacts sur les produits forestiers (1 Mt), qui a accusé en 2018 une nouvelle baisse de 16 %.

Un vent d’optimisme

Parmi les acteurs qui animent ces trafics, d’aucuns font preuve d’un certain optimisme, estimant que le conventionnel restera une réalité portuaire, notamment vers des régions comme l’Amérique centrale et du Sud ou l’Afrique, régions où d’importants projets impliquant infrastructures et industries doivent encore se faire. Ils estiment que la nouvelle génération de navires multimissions, de type MPV, ont encore de beaux jours, à condition d’opérer un mix de cargaisons (projets industriels, colis lourds, machines, camions, équipements pour industries minières et pétrolières, turbines, générateurs, big bag, petits vracs…) et quelques conteneurs en pontée. Les gréments deviennent plus puissants, de 150 à 400 t, souvent couplables. Des chargeurs et réceptionnaires ne sont pas insensibles au fait que le conteneur, même avec des taux de fret rendus attractifs par la surcapacité, reste cher à l’empotage-dépotage (non automatisés), surtout en ce qui concerne les « surestaries/détention », belle source de revenus pour les armements.

À terme se dessine une perspective. Ne dit-on pas que l’Afrique est appelée à devenir le grenier de l’Europe grâce à ses milliards d’hectares de terres non polluées, de quoi donner de l’emploi aux MPV…

* Ce volume comprend notamment 5,3 Mt en ro-ro, 8,6 Mt de fers et aciers et des produits forestiers 1 Mt (– 16 %). Avec 2,04 Mt, l’Extrême-Orient arrive en tête, devant l’Europe (1,74 Mt), l’Amérique du Nord (1,69 Mt), le Proche-Orient (1,62 Mt) et l’Afrique (1,1 Mt).

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