Dans le droit fil de la reprise économique mondiale et de la croissance du commerce maritime, 2017 avait été particulièrement profitable à l’activité et manutention portuaires mondiales après deux années de mornes résultats. La reprise s’est matérialisée par une croissance de 4 % pour le commerce maritime, la plus forte constatée ces cinq dernières années.
L’amélioration avait alors profité à tous les ports, à quelques exceptions près. Même les européens et américains étaient en croissance, de 4,9 et 7 % respectivement, tandis que la moyenne mondiale se situait à 6 %. Les quelque 873 ports mondiaux recevant régulièrement des porte-conteneurs (plus de 560 000 escales) avaient ainsi traité 752 MEVP.
En 2018, la machine avait tout pour se gripper dans le sillage de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, un protectionnisme commercial dont ne raffolent guère le conteneur et le vrac sec. Les sanctions à l’égard de l’Iran étaient susceptibles de mettre le marché pétrolier sur le qui-vive (et de faucher Bandar Abbas, alors en pleine ascension grâce à la mise à l’index du Qatar). Le Brexit est perturbant pour les marchés du ferry et du roulier…
En tout cas, si les ports asiatiques décélèrent (les croissances ne dépassent guère les 6 % en 2018 pour les 11 premiers), les données à disposition montrent que la route transpacifique n’a pas vraiment été malmenée (les volumes en jeu ne représentaient du reste que 0,7 % du commerce mondial). L’excédent commercial de la Chine avec les États-Unis est à son niveau le plus élevé depuis 2006 (+ 17 % en 2018, à 323,3 Md$). Les importations par les États-Unis ont progressé de 6,5 %, sans que l’on puisse écarter l’effet d’anticipation aux droits de douane, gonflant artificiellement les volumes d’expédition.
Hors-sol
Plus problématique est le ralentissement de la demande mondiale sur la route Asie-Europe du Nord. Depuis 2011, le taux de croissance annuel y est bloqué à 1,3 % (1,5 % en 2018 selon CTS), une situation aggravée par l’énorme investissement en capital sur cet axe avec des ULCV de 18 000 EVP et plus. L’an dernier, le marché a été entravé par le repli de 5 % de la demande du premier importateur européen de marchandises asiatiques, le Royaume-Uni.
Sans être hors sol par rapport aux aléas économiques et géopolitiques, le paysage portuaire actuel doit aussi composer avec la consolidation du transport maritime de ligne qui s’exprime par la formation de méga-alliances et de remaniement de services, entraînant de permanents mouvements d’un port à l’autre, selon une logique darwinienne d’exclusion.
À défaut de résilience, il restera la croissance. Selon les estimations de la Cnuced, le commerce maritime devrait croître de 3,8 %/an jusqu’en 2023. Le vrac sec et le conteneur – respectivement + 4,9 et + 6 % – resteraient les locomotives tandis que le pétrole brut maintiendrait un rythme de 1,7 % et de 2,6 % avec le gaz.
Ces projections concordent avec celles de Clarksons et du Lloyd’s List et sont en phase avec la moyenne annuelle (+ 3,5 %) enregistrée depuis 2005.
Mais cela reste des projections et il n’existe pas vraiment de paravent contre l’incertitude découlant de l’imprévisibilité américaine ou d’ailleurs.