L’ironie n’aura échappé à personne. Malgré les incertitudes actuelles liées au Brexit, le gouvernement britannique a jugé bon de publier un rapport de 338 pages intitulé « Maritime 2 050 », exposant sa vision et ses ambitions à long terme pour le secteur maritime national. Le communiqué officiel fait état d’une « nouvelle stratégie visant à positionner le Royaume-Uni à l’avant-garde des technologies émergentes de façon à en tirer le meilleur parti économique ». S’exprimant lors de son lancement, la secrétaire d’État en charge des affaires maritimes, Nusrat Ghani, a notamment mentionné les 186 000 emplois et la contribution de plus de 14 Md£ du secteur maritime à l’économie nationale, que la stratégie entendait précisément sauvegarder et renforcer. Le rapport présente un panel de propositions à court, moyen et long terme. Il est notamment question d’établir un hub d’innovation dans un port britannique d’ici 2030, de moyens pour limiter les pollutions générées par le secteur et de parfaire la formation des gens de mer. Une autre ambition est d’accentuer « l’avantage concurrentiel que détient le Royaume-Uni dans les services maritimes », notamment dans le droit, la finance, les assurances, la gestion, le courtage.
Sauve-qui-peut
Des ambitions très louables, mais dont la crédibilité est quelque peu sapée alors que de nombreux prestataires de services maritimes basés au Royaume-Uni partent pour s’établir ou installer un bureau à l’étranger – à Bruxelles, Rotterdam, Dublin ou Limassol, par exemple – afin de ne pas perdre précisément les droits associés au « passeport » européen. Julian Clark, responsable mondial du shipping au sein du cabinet d’avocats Hill Dickinson, maintient que le moment est opportun « à bien des égards pour lancer une stratégie » et salue une « réelle volonté de créer une plus grande synergie » entre les différentes composantes du secteur. Et bien qu’un « no deal » représenterait un « défi important », admet-il, « il est important que l’industrie se prépare à le relever et la stratégie 2050 doit démontrer son innocuité sur une composante-clé de notre économie dont dépend notre statut commercial international ». Après tout, le transport maritime est par essence international et les technologies sont susceptibles de modifier profondément les équilibres, soulignent d’autres décideurs du secteur à Londres.
Une vision à long terme n’est-elle pas en effet la (seule) voie à suivre et précisément ce dont le Royaume-Uni a besoin, alors que la prochaine étape, quelle que soit sa direction, semble incertaine et pavée d’embûches.