Plus qu’un aboutissement, la classe Meraviglia incarne pour MSC Cruises le passage dans une autre dimension. En juin dernier, la compagnie italo-suisse faisait de nouveau confiance aux Chantiers de l’Atlantique pour la construction d’un 5e Meraviglia et de 2 nouvelles unités de la classe World (qui en comptera 4, livrables entre 2022 et 2026). Le contrat d’importance s’il en est, puisqu’il a fait se déplacer le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, porte à 21 le nombre de navires que les chantiers tricolores auront « sorti » d’ici 2026 pour ce client européen, consolidant une valeur de 3,4 Md€, sans doute « le plus conséquent jamais signé par l’industrie maritime française », a-t-il été commenté.
Ce nouveau blason de la classe Meraviglia-Plus attendu en 2023 sera propulsé au GNL et doté d’un système de traitement des eaux usées « conforme aux réglementations les plus strictes et à la résolution MEPC.227 pour la mer Baltique ». Deux sisterships doivent le rejoindre, respectivement en 2022 et 2024.
Hyperactive avec un navire entrant tous les six mois dans sa flotte dans les années à venir, MSC a absorbé ces deux dernières années le Meraviglia, le Seaside et le Seaview. En mars, le Bellissima, 16e navire de la compagnie, sera baptisé à Southampton, tandis qu’à la fin de l’année, est attendu le Grandiosa, premier étalon de la classe Meraviglia Plus, capable d’emporter 6 300 passagers. Tous deux seront positionnés en Méditerranée et feront escale à Marseille. Ce qui n’est pas si anodin, MSC ayant plutôt focalisé ses intérêts sur l’Europe du Nord. Avec la classe Seaside Evo, construite d’ici 2021 en Italie, la compagnie de Pierfrancesco Vago veut marquer un autre coup, en embarquant des nouvelles technologies éprouvées à terre, tels les SCR, équivalents du pot catalytique, coûteux mais décisifs pour la facture carbone.
Avec les 13 paquebots de trois classes qui doivent rejoindre la flotte à horizon 2026, soit une capacité de 5 millions de passagers supplémentaires moyennant un investissement de 11,6 Md€, MSC pourrait bien déboulonner Norwegian Cruise Line Holdings (NCLH) de sa 3e place mondiale et se placer derrière les incontestés leaders Carnival et Royal Carribean.
Entre-deux
Royal Carribean, qui totalise quelque 50 navires avec ses trois marques (Royal Carribean International, Celebrity Cruises, Azamara Club Cruises), porte une attention toute particulière au marché français qui donnerait satisfaction avec ses 20 000 voyageurs enregistrés en 2017. La compagnie a impressionné le grand public l’an dernier en mettant en service en Méditerranée un mastodonte de 361 m, et 4e « exemplaire » de la classe Oasis, le Symphony of the Seas. Le paquebot, également construit à Saint-Nazaire, a rejoint depuis le nouveau terminal que fait construire l’américano-norvégienne à Miami, son port d’attache.
C’est dans un entre-deux – entre le « toujours plus grand » à la façon Symphony et « le toujours plus exclusif » de Ponant –, que se positionne la dernière commande d’Oceania Cruises, filiale haut de gamme du n° 3 mondial NHCL, avec sa classe Azura, construite par Fincantieri. Elle incarne le positionnement ultra-luxe vers lequel penche le groupe américain dont la flotte s’enrichira de 11 navires d’ici à 2027, dont 7 pour sa marque Norwegian Cruise Line, 2 pour Oceania Cruises et 2 pour Regent Seven Seas Cruises. Celle-ci attend le 3e jumeau du Seven Seas Explorer (livré en 2016).
D’une capacité d’accueil de 750 passagers, le paquebot sera aussi le 10e à garnir le carnet de commandes de Fincantieri, « dont 5 contrats obtenus au cours des cinq derniers mois », indique Giuseppe Bono, son PDG. Il y a encore une décennie, Carnival remplissait la quasi-totalité des cales de l’Italien. Sur les 43 paquebots en commande ferme dans ses 4 chantiers, le premier armateur de croisières mondial n’en représente plus que 8, le portefeuille clients s’étant largement diversifié (Prestige, MSC, Viking Ocean Cruises, Virgin Voyages, TUI Cruises, Silversea).
20 navires pour Carnival
En décembre, le leader mondial Carnival Corp. (Carnival Cruise, Costa et Princess Cruises, notamment) a procédé à la mise à l’eau de son 27e navire, le Carnival Panorama, dont le départ de son port d’attache de Long Beach est prévu en décembre.
La marque de croisière américaine, qui prévoit la livraison de 20 unités d’ici 2025, en lancera 4 dès cette année (comme en 2018) via trois de ses principales marques. Actuellement en construction en Finlande, chez Meyer Turku, le Mardi Gras (clin d’œil nostalgique à son tout premier navire d’occasion acheté en 1972) sera le premier paquebot nord-américain alimenté au GNL à entrer en service à l’automne 2020. En Europe, sa filiale Costa, s’enrichira de 11 unités à propulsion GNL d’ici 2025. Du nom de la côte d’émeraude de Sardaigne, le Costa Smeralda, livré à Savone par Turku d’ici la fin de l’année, sera le premier d’entre eux. Dans les deux prochaines années, l’arrivée de 4 navires augmentera sa capacité de 43 % portant sa flotte à 14 unités (cf. p28).
Qu’on l’appelle expédition ou exploration, le segment attire toujours plus de valeur.
Hurtigruten, qui a équipé le MS Roald Amundsen de la propulsion électrique pour franchir le cercle polaire, attend le Fridtjof Nansen et le Roald Amundsen (530 passagers) à propulsion hybride, qui doivent prochainement (mais avec retard) sortir du chantier naval norvégien de Kleven. Seabourn a commandé des jumeaux de 132 suites pour 264 passagers chez T. Mariotti et Damen, qui croiseront respectivement en juin 2021 et mai 2022 en Arctique. Inclassable, Ponant a reçu les deux premiers de ses 6 yachts Explorers de 92 cabines et suites (cf. p30).
Enfin, pour « amuser » le chaland, les compagnies de croisières se livrent à une véritable surenchère dans les concepts « Citius, Altius, Fortius » qu’autorise la démesure de leur ville flottante. Le Norwegian Bliss dispose d’une piste de karting sur deux niveaux. Le Seaside se targue de sa tyrolienne de 129 m. Les Symphony et Harmony en ont aussi fait une source d’attraction. Mais le « must » reste le « North Star », dont sont équipés les 3 Quantum de Royal Caribbean, une nacelle fixée à un bras géant qui s’élève à près de 100 m au-dessus de la mer.
Retombées économiques directes
19,7 Md€ en Europe (dont 22 % dans la construction navale) Répartition (pour le Top 5)
Italie: 5,463 Md€
Royaume Uni: 3,85 Md€
Allemagne: 3,14 Md€
France: 1,679 Md€
Espagne: 1,48 Md€