À la veille du référendum sur le Brexit, le fret transmanche était en route vers un nouveau record, Calais et Dunkerque en tête grâce à leur position géostratégique, au débouché des routes maritimes les plus courtes pour rallier Douvres, principal port britannique et base des activités du britannique P&O Ferries et du danois DFDS. 70 % des échanges transitant entre la Grande-Bretagne et le continent incombent ainsi aux deux ports du détroit du pas de Calais.
Signe extérieur de richesse, en 2017, la concurrence s’y est encore intensifiée. Les compagnies transmanche – DFDS et P&O Ferries notamment – n’ont eu de cesse que d’étoffer leur offre, se faisant même la course aux maxi-transbordeurs.
Sur le détroit, 12 navires opèrent quotidiennement entre Douvres et Calais (9 navires) et Dunkerque (3 navires). P&O dispose de 5 navires ro-ro, dont deux très gros-porteurs offrant une capacité de 160 poids lourds et un fréteur pur. Ces dernières années, la compagnie britannique a accumulé les mois de croissance, parfois à deux chiffres. De quoi tenir en respect son grand rival danois avec lequel les écarts de parts de marché sont parfois ténus.
Leader sur le marché du shortsea en Europe du Nord, dans le quatuor de tête des opérateurs rouliers avec Stena Line, P&O Ferries et Grimaldi Lines, DFDS aligne sur la Manche 6 ferries mixtes, 3 sur chacune des deux routes. Il a également tiré profit de péripéties de quelques acteurs à Dieppe et à Calais, en héritant notamment des marchés MyFerryLink et Sealink. En juin dernier, le Danois prenait la pleine possession des ferries de SeaFrance, les ex-Berlioz et Rodin, qu’il louait auprès d’Eurotunnel (Getlink), et qu’il exploite sous les noms Côte des Flandres et Côte des Dunes sur la route Douvres-Calais. À court terme, le groupe disposera des plus gros-porteurs, parmi les « plus grands du monde », sur les routes les plus courtes. En 2019, il devrait en effet accueillir les deux premiers des quatre fréteurs rouliers géants de 6 700 m linéaires (une capacité de 450 poids lourds de 14 m de long) commandés en 2016 au chinois Jinling Shipyard.
Effets Brexit
Néanmoins, l’armateur danois, qui tire une partie majeure de ses revenus des échanges entre le Royaume-Uni et les autres pays européens, devait constater un recul de 4 % de son fret au 3e trimestre 2018 pour les importations et de 2 % pour les exportations vers le continent.
Plus globalement, depuis le Brexit, les tendances générales sont plutôt à « moins de passagers », (la chute de la livre sterling grevant le pouvoir d’achat des Britanniques) mais à « plus de fret » (la parité £/€ favorisant les exportations britanniques).
Si les ferries et les fréteurs s’arrogent toujours une part de marché de près de 60 % (fret) pour rallier le Royaume-Uni à partir du continent, ils doivent affronter une concurrence ferroviaire qui d’année en année est parvenue à grignoter 39 % du marché.
Face à l’accroissement de l’offre maritime, Eurotunnel a réagi en alignant trois navettes fret supplémentaires, visant les 2 millions d’unités (contre 1,75 million aujourd’hui). Le concessionnaire de l’infrastructure du tunnel sous la Manche a investi pour cela 40 M€, portant sa flotte à 18 navettes soit une augmentation de capacité de 20 %.
Le Brexit, une opportunité pour le fret ferroviaire? Hans-Georg Werner, dirigeant de DB Cargo, l’affirme dans une interview à la presse spécialisée britannique, estimant que les capacités du tunnel sous la Manche sont largement sous-exploitées et gageant sur l’engorgement futur des ports. Le dirigeant ne se prive pas d’indiquer que ses trains pourraient, eux, être contrôlés dès leur départ du terminal de Barking, à l’Est de Londres.