Un contexte Brexit, des attitudes diverses

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Tout au long de l’année, de Cherbourg à Dieppe, du Havre à Caen, les ports spécialistes du transmanche, points de passage entre l’Europe et le Royaume-Uni, ont agité les « warning » à tous les étages, craignant que la sortie sèche du Royaume-Uni sonne le glas de la libre circulation des marchandises, principe cardinal qui régit ce marché. Ils se sont relayés tout au long de l’année dans les médias pour alerter sur les moyens et ressources qu’il faudra déployer « pour faire franchir la douane à plus de 1,8 million de passagers et à 170 000 poids lourds par an » alors que « 2 % des camions seulement sont aujourd’hui contrôlés » et que les douaniers ont largement « disparu de la circulation » des deux côtés de la Manche. « En 1993, il y avait 300 douaniers dans le comté du Kent, ils sont 24 aujourd’hui », indique David Wells. Pour le directeur général du syndicat des transporteurs de fret de Douvres, deux minutes de retard généreraient à chaque fois 30 km de bouchons, dont le coût est estimé par l’association à près de 1,40 € par minute de retard et par camion. Dans la stratégie du pire, le mur de camions en file d’attente aux portes des ports tient la dragée haute.

Cri d’alarme

Face aux vents contraires, les acteurs concernés ont adopté diverses attitudes. Certains ont fait du lobbying. À quelques jours d’un sommet de haute importance entre Londres et ses partenaires qui devait en principe déboucher sur des modalités d’organisation une fois le Royaume-Uni sorti de l’UE, ils étaient 11 à cosigner une tribune parue dans La Tribune. Hervé Morin, président de la région Normandie, laquelle exporterait plus de 2 Md€ de marchandises vers le Royaume-Uni et importerait pour plus de 1 Md€, Jean-Marc Roué, président de Brittany Ferries, et les principaux responsables des ports et des CCI de Normandie tenaient à rappeler à l’État tout ce qu’un « no-deal » signifiait si des « mesures concrètes et à effet immédiat n’étaient pas prises ».

Le Syndicat des transitaires et des commissionnaires en douane du Havre et de la région (représentant 6 000 salariés et 6 Md€ de chiffre d’affaires) a pour sa part rejoint la task force « Normandie Bruxelles » pour déjouer une tentative d’exclusion, ou prétendue telle, des ports français des corridors européens pour desservir l’Irlande. Le même STH a rencontré Outre-Manche les transporteurs routiers et les armateurs desservant la zone Manche. Les réunions avec l’Umep, le port, la douane se sont multipliées « pour travailler sur l’évolution des transports dans la perspective où le Royaume-Uni deviendrait un pays tiers ».

Norlink, l’Association des ports des Hauts-de-France, a également pris les devants pour plancher « sur des solutions de contrôles en amont et en aval, pendant les temps masqués des périodes d’embarquement et de débarquement », tout en étudiant de près le scanner de Getlink capable de contrôler les trains en marche jusqu’à une vitesse de 30 km/h.

Quoi qu’il en soit, la sortie sans accord du Royaume-Uni est perturbante pour beaucoup de ports, compromettant tant leur organisation que les investissements réalisés. Cherbourg, inquiet pour ses liaisons avec Poole et Portsmouth, va devoir en outre gérer les secousses qu’il risque de percevoir sur celles avec l’Irlande pour lesquelles il devra s’assurer de « l’étanchéité » des flux entre les transports à destination ou en provenance de l’Angleterre et de l’Irlande, l’un soumis à contrôle douanier et l’autre pas. À Lorient, où les ferries assurent les liaisons sur l’Angleterre et les îles anglo-normandes, le transmanche représente 30 % du tonnage total. À Saint-Malo, où plus de 700 000 personnes embarquent chaque année vers Portsmouth ou les îles anglo-normandes via Brittany Ferries et Condor, la région, propriétaire du port, et la CCI, qui en assure l’exploitation, s’inquiètent des impacts pour l’activité touristique, garante de la rentabilité du port.

C’est là où les stratégies de diversification des trafics, amorcée ici et là, vont prendre tout leur sens: Caen-Ouistreham dans les pellets et attapulgite, Cherbourg dans la construction navale et les énergies marines renouvelables…

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