« Brittany Ferries opère sans concurrence les services de la Manche de Roscoff au Havre avec 16 % de parts de marché du trafic passagers et 5 % pour le fret », analyse le directeur de l’Isemar, Paul Tourret (lire plus loin notre entretien). Sans concurrence? Pas tout à fait. La compagnie doit composer avec le détroit du pas de Calais d’où elle n’opère pas. « Il ne faudra pas s’attendre à une évolution positive sur le fret compte tenu du contexte actuel lié au Brexit. Les gros volumes resteront sur Calais-Douvres ou Dunkerque-Douvres. Maintenir nos capacités sera déjà une satisfaction », estime Jean-Marc Roué, le président de la compagnie bretonne qui touche de part et d’autre du Channel, Roscoff, Saint-Malo, Cherbourg, Caen et Le Havre et Portsmouth, Poole, Plymouth et Cork. Un trafic qui permet aux ports perlant les côtes françaises d’étoffer leurs trafics voire plus. Ainsi, la ligne phare de Brittany Ferries depuis 32 ans – Ouistreham-Portsmouth – fait de Caen, propriété de Ports de Normandie (Dieppe, Caen-Ouistreham et Cherbourg), le port le plus fréquenté à l’Ouest du détroit.
Pour la française, dont les recettes sont encaissées en livres sterling alors que ses dépenses sont libellées en euros, les temps sont durs. Ces dernières années, l’entreprise n’a pas été épargnée. La pression migratoire à Calais, le sentiment d’instabilité sécuritaire en France et la chute de la livre sterling, qui érode le pouvoir d’achat, n’ont pas favorisé l’attractivité de la destination France dont dépendent ses performances.
Aubaine
La compagnie bretonne, qui a assuré en 2017 le transport de 2,7 millions de passagers et 205 000 camions, est naturellement préoccupée par une sortie sans accord du Royaume-Uni. À l’issue du 3e trimestre 2018, les volumes fret globaux étaient en retrait de 5 %. Ils avaient déjà dévissé d’autant entre novembre 2016 et octobre 2017, après quatre années dynamiques (le fret a augmenté de 23 % entre 2012 et 2016), portées par le transmanche (+ 25 %) et, dans une moindre mesure, par les liaisons avec l’Espagne (+ 17 %).
Dans le contexte très incertain du Brexit, les liaisons entre le Royaume-Uni/Irlande et l’Espagne font figure d’aubaine. Deux des navires actuellement en commande seront d’ailleurs affrétés à l’armateur suédois Stena RoRo pour relier Portsmouth à Santander et Bilbao, une destination qui a transporté 350 000 passagers et 150 000 voitures en 2017. En 2007, ils n’étaient que 75 000.
La société ne démord pas de ses engagements. Elle est engagée dans un programme d’investissement de 450 M€ destiné à renouveler sa flotte, qui sera composée de 11 navires une fois le Honfleur sorti du chantier allemand Flensburger Schiffbau-Gesellschaft mi-2019. Le premier à être propulsé au GNL sera mis en service sur la ligne la plus fréquentée de Brittany Ferries à Ouistreham.