In extremis, la Commission européenne a ajouté six nouveaux chantiers à sa liste d’installations agréées. Et pour la première fois, elle intègre trois chantiers navals situés en dehors de l’UE, tous turcs, à savoir Leyal Gemi Ltd., Leyal Demtas et International Shipbreaking Ltd., basés à Izmir. Le chantiers finlandais Turku Repair Yard, l’italien San Giorgio del Porto et le danois Modern American Recycling Services Europe figurent également parmi les nouveaux entrants.
Depuis le 1er janvier, un règlement de l’UE exige que les navires de plus de 500 t de jauge brute battant pavillon d’un État membre de l’UE utilise un chantier répondant aux normes européennes pour le recyclage des navires. Une garantie, selon Bruxelles, pour que les navires soient recyclés dans des installations sûres pour les travailleurs et respectueuses de l’environnement. La liste européenne comprend désormais 27 sites, dont 4 en France: Démonaval Recycling (76), Gardet & de Bezenac Recycling (76), Grand Port maritime de Bordeaux (33) et Les Recycleurs bretons (29).
« Intégrer des chantiers navals situés en dehors de l’Europe est une étape importante et la reconnaissance des efforts réalisés par ces chantiers pour répondre aux normes. Ces six nouveaux sites renforcent la capacité de recyclage et offrent aux armateurs européens plus de choix », a déclaré Karmenu Vella, membre de la Commission européenne en charge de l’environnement, des affaires maritimes et de la pêche.
Un signe d’apaisement?
Ces derniers mois, à l’approche de l’entrée en vigueur de la réglementation, les relations se sont tendues entre les ONG environnementales et les associations professionnelles représentant les armateurs et propriétaires de navires. Au cœur des différends, la capacité de l’Europe à disposer de chantiers navals en nombre suffisant, l’absence de garantie sur leur disponibilité (compte tenu de leur « forte activité dans la réparation navale et les travaux en mer ») et leur sous-dimensionnement pour traiter les plus gros navires. Des arguments qualifiés par les ONG de « faux-fuyants » évidents.
Les associations, européenne et internationale, des armateurs – ECSA et Bimco –, mais aussi ICS et Intertanko ont ainsi milité tout au long de l’année pour une extension de la liste jusqu’à préconiser d’intégrer « des installations non communautaires lorsqu’elles sont jugées conformes aux exigences, comme celles en Inde ». Et d’appeler à nouveau pour la ratification de la Convention internationale de Hong Kong, adoptée en 2009 mais jamais entrée en vigueur, faute de quorum fixé à 15 États (soit 40 % de la flotte mondiale de navires de commerce).
Sur les 2 725 navires de propriété européenne envoyés à la casse entre 2010 et 2017 (données de Shipbreaking Platform), 91 % ont été désossés directement sur des plages d’Asie du Sud, sans égards pour des règles de sécurité ni de l’environnement. Les Européens, Allemands et Grecs en tête, portent une lourde responsabilité puisqu’ils fournissent chaque année autour de 40 % des navires mis au rebut.
Surcoût évident
Pour pallier le différentiel de compétitivité des chantiers européens, Bruxelles a un temps pensé, avant d’y renoncer, à soumettre les navires, quel que soit leur pavillon, à un prélèvement de 0,05 €/t à chaque escale dans un port européen, taxe qui serait remboursée au dernier propriétaire à condition que son recyclage soit réalisé dans une installation approuvée par l’UE.
Dernière initiative en date, la plateforme en ligne Ship Recycling Transparency Initiative (SRTI), lancée par l’organisation à but non lucratif Sustainable Shipping Initiative, qui « n’est ni une norme ni un outil de notation mais un outil visant à encourager un recyclage responsable en donnant aux compagnies maritimes la possibilité d’être transparentes sur le démantèlement des navires », indique le communiqué.
Parmi ses fondateurs, des armateurs (CNC, Hapag-Lloyd, AP Moeller-Maersk, Norden, Stolt Tankers et Wallenius Wilhelmsen), des acteurs financiers (GES, Nykredit et Standard Chartered Bank) ou encore la société de classification Lloyd’s Register. « Exiger la transparence, c’est demander des comptes à l’industrie maritime, c’est placer la barre plus haut et c’est aussi créer une concurrence loyale entre les armateurs », affirment les signataires.
* Liste disponible sur le site de EUR-Lex, Commission implementing decision 2018/684