En 2017, les nouvelles commandes enregistrées par les chantiers navals civils espagnols ont progressé de 35 % pour atteindre 185 634 tonnes de jauge brute compensées (tjbc), soit 37 unités, selon les statistiques publiées par Pymar, une société anonyme créée en 1985 par des chantiers navals privés espagnols de petite et moyenne taille pour défendre leurs intérêts. L’entité regroupe 18 sociétés du secteur, hors l’entreprise publique Navantia, spécialisée essentiellement dans l’activité de défense. Le secteur revient de loin. Il a été durement impacté par la concurrence internationale, la crise de 2008 et la remise en cause du tax lease, un dispositif fiscal pour lequel l’Espagne a finalement obtenu gain de cause auprès de l’Union européenne. La profession récolte les fruits d’une stratégie de restructuration, basée sur un effort de productivité à grande échelle, l’innovation et surtout une spécialisation dans des niches de marché: navires de pêche, navires d’appui aux plateformes pétrolières et aux éoliennes en mer, remorqueurs et navires océanographiques. Plus de 90 % du chiffre d’affaires est réalisé à l’export.
Réactivité et adaptation sont deux des spécificités de cette industrie. La baisse récente des cours du brut et la réduction drastique des investissements ont conduit à un quasi-arrêt des commandes de navires destinés au secteur des hydrocarbures, un point fort du secteur. Ce dernier a cependant rebondi en engrangeant 21 commandes de navires de pêche en 2017 (sur un total de 37). Ces bâtiments représentaient 29 % du carnet de commandes total à la fin de l’année dernière (134 158 tjbc sur 462 488 tjbc). En 2017, l’Espagne s’est même classée au 3e rang mondial en termes de nouvelles commandes, après la Russie et la Norvège, avec une part de marché mondiale proche de 13 %.
Une industrie qui fait consensus
Démonstration emblématique de l’agilité de certains acteurs, le chantier naval Hijos de J. Barreras, basé à Vigo (Galice), a mis à l’eau, en octobre 2018, un navire de croisière de luxe de 298 passagers pour la société The Ritz-Carlton Yacht Collection (RCYC). La capacité à intégrer les dernières tendances en matière d’innovation a permis de rencontrer un certain succès sur le segment des remorqueurs. Les Espagnols ont livré 293 unités depuis 2000, soit plus de 600 000 tjbc, mais mieux, l’Espagne fut aussi en 2017 le premier pays européen à livrer un remorqueur à double propulsion (GNL et fuel), marque de fabrique de la société asturienne Astilleros Gondán. Le chantier a en outre produit quatre « eco fast ferries » de dernière génération pour le compte de la société Balearia.
Enfin, dernier atout, mais non des moindres, la profession peut compter sur de solides relais dans le pays. Lors de la polémique du tax lease, la classe politique dans son ensemble, tous partis politiques confondus, est montée au créneau pour défendre l’industrie. Les syndicats ouvriers lui ont emboîté le pas.
Reste, en dépit de ce beau bilan, des incertitudes persistantes que sont l’environnement de marché et une concurrence qui s’exacerbe. La profession devrait y répondre avec ses recettes habituelles.