Pour rappel, le Code polaire (CP) définit une liste de risques climatiques, incluant la présence de glace, les très basses températures, les longues périodes d’obscurité et le givre, ainsi que les risques humains, à savoir un manque d’expérience et/ou de compétence et enfin des risques géographiques tels que l’isolement et les difficultés de communication au-delà des 70 °N. En se basant sur l’analyse des risques du CP, Polaris pose la question de la navigabilité en fonction de la typologie de la glace, de sa concentration, de la température et enfin de la classe du navire.
Il est le résultat de la fusion entre les classifications provenant de l’International Association of Classification Societies (IACS) et du système fino-suédois pour la partie technique. Au vu de la grande diversité de glace, le système se base sur la définition de la glace du système WMO (World Meteorological Organisation).
Ces paramètres techniques et climatiques permettent de définir le « RIV » (Risk Index Value) de chaque typologie de navires en fonction des différents types de glace existantes. La température étant un facteur qui influence la « dureté » de la glace, le système propose une autre table d’indices qui intègre ce facteur aggravant. Le RIV combiné à la concentration de la glace permet de définir le « RIO » (Risk Index Outcome). Ce dernier, d’une valeur entre 30 et – 80, évalue la capacité de navigation d’un navire dans certaines conditions tout en prenant en considération l’impact positif que peut avoir l’assistance d’un brise-glace.
En tant qu’outil d’aide à la décision, Polaris intervient à différents moments de la vie d’un navire, depuis la décision d’investissement jusqu’à l’exploitation.
En croisant les données climatiques dans lesquelles le navire est supposé être exploité et le RIV tel que fourni par Polaris, l’armateur est en capacité de définir le niveau de résistance dont il aura besoin dans le cadre de sa stratégie commerciale. Ce choix déterminant se fait en relation avec la compagnie de classification et peut être perçu comme la première étape du « PSC » (Polar Ship Certificate), document validant la classe d’un navire. En effet, en fonction du choix de la classe du navire, de la zone de navigation et de la saison, la compagnie d’assurance peut exiger l’assistance d’un brise-glace avant de donner son accord, ce qui a un impact direct sur le coût final du voyage.
La route la plus sécurisée
Pour rester sur la navigation, Polaris permet également au capitaine, dans un environnement connu pour des conditions climatiques évoluant rapidement, de choisir la route la plus sécurisée en fonction de la classe du navire et d’anticiper des conditions de navigation trop difficiles pour le navire. Pour cela, plusieurs options s’offrent à lui: changer de cap ou faire appel à un brise-glace pour l’assister avant de se retrouver bloqué dans les glaces. Ici encore, Polaris n’est pas le seul outil qui permet de prendre une décision, il est à mettre en parallèle avec le Polar Water Operational Manual (PWOM) qui définit les procédures à suivre quand le navire est à la limite de sa capacité.
Contrairement à d’autres outils, Polaris n’a pas un fonctionnement binaire qui consisterait à autoriser ou interdire une navigation. Il apporte une vision plus souple en intégrant entre autres la vitesse maximum que devrait avoir le navire en fonction de sa classe et des conditions de navigation.
Il est aussi un outil utile pour les compagnies d’assurance qui, à défaut d’avoir une base de sinistres étoffée, peuvent estimer le risque de blocage d’un navire ou la route la plus sécurisée en fonction des données climatiques. Les sociétés de classification peuvent se fier à ce système pour la définition de classe du navire correspondant au besoin de l’armateur.
Des limites
Cependant, si Polaris lui permet de choisir le navire qui correspond le plus à son besoin de naviguer dans des conditions les plus sécurisées possibles, certaines limites subsistent. Sa nature facultative est sa première faiblesse. Si l’utilisation d’un tel outil est conseillée, il n’est pas spécifiquement nommé dans le CP, ce qui est regrettable sachant qu’il favorise une approche moderne basée sur les bonnes pratiques pour une navigation sécurisée.
En outre, il n’inclut pas tous les risques et base son évaluation, pour définir la capacité d’un navire à naviguer dans les eaux polaires, exclusivement sur les typologies de glace rencontrées, leur concentration et la température.
Enfin, le facteur humain, l’un des plus importants dans le domaine maritime, n’est absolument pas intégré dans l’évaluation des risques, puisque par nature Polaris évalue la concordance entre la capacité de navigation d’un navire et les conditions climatiques.
Polaris est incontestablement un outil d’aide à la décision pour toute la communauté polaire, ou ceux souhaitant l’intégrer. Cependant, sa nature optionnelle, la non-intégration du facteur humain et d’autres facteurs techniques liés à la complexité de la navigation en eaux polaires sont autant de limites au système. Quoi qu’il en soit, il permet indéniablement d’offrir une plus grande sécurité de la navigation dans les eaux arctiques.