« Aujourd’hui, Marseille redevient un acteur important dans l’industrie de la réparation des navires aux yeux de tout le monde maritime », dira solennellement le président San Giorgio del Porto, Ferdinando Garrè, le « petit génois, fier d’être un acteur clef de la relance de l’industrie de réparation de navires à Marseille ». C’était le 4 décembre 2017 pour l’inauguration de la « Forme 10 », ce bassin de réparation qui aura connu autant d’années d’activité que d’inactivité, entre sa mise en service en 1976 et le dernier bateau reçu en 2000. Les événements géopolitiques et la crise politique ont contrarié le destin de cette cale sèche dont les caractéristiques hors normes – 465 m de long et 85 m de large – en font le « premier de Méditerranée et le troisième au monde. » Avec ce nouvel outil, le Grand port maritime de Marseille (GPMM), qui aura consenti avec les collectivités locales 28 M€ sur les 31,1 M€ nécessaires pour restaurer l’outil (la différence est apportée par San Giorgio del Porto, maison-mère de Chantier naval de Marseille), vise au premier rang les paquebots de croisières.
Déjà opérateur, depuis 2010, des formes 8 (320 m de long et 50 m de large) et 9 (250 m de long et 37 m de large), CNM a à nouveau été retenu par l’administration portuaire phocéenne après appel d’offres pour l’exploitation de la « 10 ».
En 2016, soit un an avant la livraison des travaux, Costa Croisières a acquis 33,3 % du capital de CNM, justifiant son investissement par la volonté de faire de Marseille « son grand pôle de réparation et d’entretien en Méditerranée ». C’est ainsi que dans la foulée de son entrée au capital, le groupe italien a amené les premiers « business » et lui apporte aujourd’hui une visibilité annuelle sur le plan de charge, ses arrêts techniques représentant environ 4 à 5 paquebots par an mobilisant l’outil pendant 10 à 15 jours.
La progression remarquée de l’activité de croisière dans le port phocéen (désormais parmi les 15 premiers ports mondiaux avec 1,7 million de passagers et plus de 500 escales), n’est pas pour rien dans l’intérêt des plus grands du secteur pour la forme 10. Ses acteurs veulent en faire l’équivalent du « pit stop » des F1, c’est-à-dire l’arrêt au stand le plus court possible.
« Immédiate proximité »
« Cet outil nous apportera évidemment de l’attractivité supplémentaire car il permet aux armateurs de programmer des arrêts techniques très proches des endroits où ils opèrent leurs opérations commerciales. Dans cette immédiate proximité, nous avons un avantage concurrentiel qui n’a pas d’égal tout autour de la Méditerranée », expliquait alors Christine Cabau-Woehrel, la présidente du directoire du GPMM.
Dans cette « immédiate proximité », l’administration portuaire voit en effet dans son terminal croisière, qui débarque et embarque des passagers, un atout pour inciter les armateurs à réaliser localement le refit, s’épargnant ainsi de devoir naviguer à vide pour rejoindre un chantier.
Mais dans la perspective des réglementations qui peuvent nécessiter des conversions, le port voir plus loin pour faire de son outil un spécialiste des travaux de plus grande technicité. Outre le marché des paquebots, les partenaires génois du port visent en effet des navires techniquement plus complexes, aux arrêts techniques plus longs, mais donc, à plus forte valeur ajoutée et surtout moins concurrentiel. Pour compenser la différence du coût horaire de la main-d’œuvre, qui peut être inférieur de 20 % en Turquie et de 50 % en Roumanie, peu d’autres choix que de valoriser l’expertise.
Jacques Hardelay, directeur général de CNM (40 M€ en prévisionnel 2018, 120 emplois), ne s’en cache pas: il vise l’offshore mais aussi les porte-conteneurs de façon à lisser son activité sur toute l’année. Une nécessité, l’amodiataire doit s’acquitter chaque année d’une redevance de 600 000 € par an. Il est parvenu cette année à diversifier un peu, avec notamment un câblier d’Orange et un premier porte-conteneurs qui a permis de tester de nouveaux outils. Il a prévu d’investir 10 M€ sur trois ans et vient d’acquérir une nouvelle grue pour 2,3 M€.