À fond sur le report modal

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« Ce qu’on vous souhaite, c’est beaucoup de trains. Mais des trains à l’heure ». La boutade, lancée à l’attention du président de la SNCF Guillaume Pepy, a fait rire les participants à la cérémonie de lancement d’une seconde autoroute ferroviaire à Calais le 6 novembre. Elle émane d’un cadre de Lannutti, un peu échaudé par le manque de régularité de ses trains complets à destination de l’Italie, mais plein d’espoirs pour la réussite de la nouvelle liaison entre le port de Calais et Turin.

L’anecdote résume l’attitude des chargeurs et de leurs prestataires logistiques vis-à-vis du report modal: le rail ou le fluvial, pourquoi pas, à condition que les délais soient respectés. « On ne change pas une chaîne logistique en un claquement de doigts », explique Alain Lefebvre, directeur général des Ports de Lille et tout nouveau président de l’Association française des ports intérieurs (AFPI), résumant le sentiment général.

« Nous ne raisonnons plus en termes de rail ou de route, mais de solution globale de transport », avance Kristian Kaas Mortensen, directeur des partenariats stratégiques de Girteka. Pour approvisionner le Royaume-Uni et l’Europe du Nord en fruits et légumes espagnols, le transporteur lituanien fait voyager ses remorques par le rail jusqu’à Calais où elles embarquent sur des ferries.

Avec ses deux services de ferroutage entre Calais, l’Espagne et l’Italie, Viia (groupe SNCF) prévoit le transfert de la route vers le rail de 31 000 camions par an. À la société des Ports du Détroit (Port Boulogne-Calais), on mise beaucoup sur le rail pour absorber une part croissante du trafic fret entre le Royaume-Uni et l’Europe continentale. Le port comptera bientôt trois postes ro-ro supplémentaires. L’agglomération Grand Calais aménage en outre une zone logistique de 158 ha connectée à tous les réseaux sur les communes de Marck et Calais.

À quelques dizaines de kilomètres, Dunkerque dispose d’une longueur d’avance. Avec environ 13 millions de tonnes (Mt) par an, le Grand Port maritime de Dunkerque se targue d’être le premier pôle ferroviaire français – 30 % de son trafic en transit est transporté par le rail – et premier port fluvial de la région Hauts-de-France – avec un trafic annuel d’environ 3 Mt. Nuance: l’essentiel du trafic ferroviaire est généré par la zone industrialo-portuaire, ArcelorMittal notamment.

Port d’export

Ces trafics devraient augmenter: depuis juin, le sidérurgiste a fait de Dunkerque le port d’export pour l’Asie de ses bobines d’acier produites dans le Nord et en Lorraine, et bientôt pour les marchés d’Amérique et d’Afrique. Jusqu’alors effectué au départ d’Anvers, ce trafic représente 5 300 conteneurs par an.

Cette annonce conforte le marché régional du transport combiné, qui se stabilise après quelques années d’hésitation. Un exemple: l’opérateur de transport combiné T3M a mis en place quatre lignes en trois ans entre Lille et Toulouse, Bordeaux, Mouguerre, près de Bayonne, et Marseille. Le terminal à conteneurs de Lille, d’une capacité de stockage de 2 800 EVP, est aussi relié par voie fluviale aux ports de Dunkerque, Anvers et Rotterdam.

Les enseignes liées à la famille Mulliez (distribution) jouent un rôle non négligeable dans ce marché, en rapatriant leurs importations de Belgique (Anvers et Zeebrugge) vers le Nord de la France. En 2016, pour la première fois, leurs trafics sur Dunkerque (près de 25 000 EVP) y ont dépassé le cumul sur les ports belges.

« Nos enseignes cherchent la rapidité. À Dunkerque, on maîtrise les flux, le coût est inférieur de 20 % et on évite la congestion des infrastructures d’Anvers et de la route », expliquait récemment Olivier Richard, international transport manager pour SRS (Société de recherche de synergies), qui assure la logistique d’enseignes telles qu’Auchan, Leroy Merlin ou Norauto.

« Il y avait avant peu de lignes Asie-Europe qui escalaient à Dunkerque. On a d’abord négocié avec les compagnies pour obtenir une restitution des conteneurs à Lille. On dispose désormais d’escales qui nous permettent un report modal », poursuit Olivier Richard, dont une partie du travail consiste à convaincre d’autres armateurs et chargeurs d’investir sur Dunkerque. Avec ses quelque 2 000 EVP par mois à Dunkerque, « cette prestation (lui) sert pour convaincre ».

Le trafic de conteneurs devrait doubler d’ici 2030 dans le range Nord. Aujourd’hui, selon Dunkerque-Port, 1,5 million d’EVP destinés au marché français passent par les ports belges et néerlandais. Dunkerque espère en capter une part croissante. C’est ce qui motive le projet d’extension de son terminal à conteneurs, dit Cap 2020. « Renforcer la position de Dunkerque-Port dans la chaîne d’approvisionnement du Nord de la France, c’est s’assurer de retombées positives pour l’économie régionale, favoriser le report multimodal grâce à des connexions fer et fluviales performantes », avance Stéphane Raison, président du directoire.

Plus au sud, sur l’axe Paris-Lille, le terminal de transport combiné de la plateforme multimodale Delta 3 devrait bénéficier d’une extension de 4 ha. Cet aménagement doublera ainsi sa capacité de stockage de conteneurs (de 2 500 à 5 000 EVP). Les travaux devraient débuter mi-2019. D’autres développements sont à venir avec la mise en œuvre du canal Seine-Nord Europe, très attendue dans les Hauts-de-France.

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