Le ro-ro est une activité au fort potentiel à en juger par l’âpre concurrence que se livrent les acteurs en Méditerranée. Le groupe Onorato (Moby-Tirrenia) introduit deux ro-ro d’une capacité supérieure sur les routes Gênes-Livourne et Naples-Catania-Malte. MSC a pris le contrôle de Linea Messina qui opère sur Trieste-Izmir et Gioia Tauro-Tunis-Anvers. DFDS a absorbé la turque U.N. Ro-Ro et exploite 12 rouliers, escalant en Turquie, Italie, Grèce et France… Ne risque-t-on pas la surcapacité et inévitablement une baisse des tarifs?
Emanuele Grimaldi: Il y a en effet une accélération de la concentration sur le segment du roulier, qui était encore très fragmenté. Les principaux acteurs acquièrent en fait les plus petites ou plus fragiles entreprises. Le déploiement de nouvelles capacités crée inévitablement de la surcapacité sur certaines routes. Néanmoins, notre groupe est financièrement, commercialement et opérationnellement suffisamment solide pour affronter ces bouleversements. Notre offre est du reste l’une des plus étendues, en termes de réseaux et de services intégrés. Nous disposons d’une flotte performante, notamment sur le plan énergétique, ce qui nous permet des économies d’échelle.
Grimaldi a développé une stratégie multimodale impliquant une logistique intégrée dans le but d’assurer un service « door to door ». Pensez-vous à une intégration plus poussée vers des activités d’expéditions, par exemple, qui pourrait s’appliquer à vos trafics en Europe de et vers l’Amérique du Sud, et à l’Afrique de l’Ouest?
E.G.: Cela dépend de la nature des trafics. Nous agissons déjà en tant que fournisseur de services logistiques intégrés pour la majeure partie des constructeurs automobiles. Nous sommes souvent responsables dès le départ usine jusqu’à la livraison aux réceptionnaires et en charge de toutes les procédures administratives et douanières.
La logique des alliances serait-elle pertinente entre opérateurs du roulier short sea en Méditerranée?
E.G.: Nous n’y sommes pas favorables, que ce soit en short ou deep sea. Toutefois, dans des cas spécifiques, une coopération basée sur la combinaison de services entre opérateurs peut être possible. C’est déjà le cas entre notre groupe et U.N. Ro-Ro. Ainsi des semi-remorques au départ de Pendik (Istanbul) sont transportés par l’opérateur turc jusqu’au port grec de Patras, où ils sont transbordés sur nos navires vers l’Italie et d’autres destinations en Méditerranée.
Le pont terrestre ferroviaire que Grimaldi a lancé entre Adriatique et Baltique via Venise et Lübeck/Rostock a-t-il donné les résultats escomptés? Avez-vous d’autres projets de ce genre en vue?
E.G.: Nous offrons un service combiné rail/mer entre la Grèce (Patras et Igoumenítsa) et l’Allemagne (Francfort), qui a donné de très bons résultats jusqu’à présent. Des opérateurs de transport ont recours à nos navires pour transfert de Patras et Igoumenitsa vers Venise et, de là, deux fois par semaine intervient un service ferroviaire assuré par Thomaidis & Gebrueder en coopération avec Kombiverkehr. Nous préparons déjà avec d’autres opérateurs ferroviaires un nouveau service de et vers Venise et Duisbourg avec trois départs par semaine. Nous croyons résolument que l’intermodalité basée sur un transport combiné rail/mer génère des effets bénéfiques importants tant sur le plan économique qu’écologique, et nous avons l’intention d’investir encore dans ce domaine.
Grimaldi a vendu sa participation dans la compagnie grecque Hellenic Seaway…
E.G.: Ainsi, notre filiale basée à Heraklion Minoan Lines (opérant entre Ancone et Venise et les ports de Corfou, Igoumenitsa et Patras, d’une part, et entre Le Pirée et la Crète par ailleurs, ndlr) est parvenue à se développer en mer Égée. L’été dernier, notre compagnie a lancé deux nouveaux services Ropax: Pirée-Chania et Heraklion-Cyclades, qui donnent d’excellents résultats.
MSC est devenu un concurrent avec son service multipurpose ro-ro entre l’Europe du Nord (Anvers) et la COA (Dakar, Conakry, Abidjan). Comment réagissez-vous?
E.G.: En reconsidérant nos taux de fret! Nos principaux clients nous sont restés fidèles; cela doit signifier que nos services sont appréciés. Nous avons fortement investi dans des navires cousus pour les dessertes de l’Afrique centrale et de l’Ouest. Nous maintenons, depuis 40 ans déjà, une présence continue sur cette route Europe du Nord-Afrique de l’Ouest, période pendant laquelle de nombreux nouveaux entrants ont émergé… puis disparu.
Vous exploitez une série de nouveaux PTCT (Pure Car and Truck Carrier) de 6 700 CEU (Car Equivalent Units) dans le cadre de services réguliers Med-US côte Est-Mexique-Anvers Southbound. Avez-vous des alternatives au cas où une surtaxe à l’importation de 25 % sur les voitures serait imposée par l’administration américaine?
E.G.: Nous avons toujours des alternatives, bien que nous ne croyons pas à des changements majeurs de ce point de vue. Dans un scénario noir, chaque PCTC disponible pourra remplacer un navire affrété, lequel sera rendu aux propriétaires.
Six de vos services escalent au Royaume-Uni. Comment anticipez-vous un Brexit sans accord?
E.G.: Nous avons une implantation à Londres. Nous sommes moins exposés. Certes, il y a le cas de notre filiale suédoise ACL qui dessert régulièrement Liverpool. Nous continuons de croire qu’un accord acceptable pour les deux parties pourra être conclu, de sorte que les flux sur le détroit ne seront pas pénalisés.
Vous allez aligner dès mi-2019 une nouvelle génération de rouliers hybrides. Or, l’on parle déjà de navires « autonomes ». Êtes-vous tenté?
E.G.: Nous suivons diverses études. Mais que couvre réellement cette notion. Sans aucune personne à bord?. Dans ce cas, la question se judiciarisera et cela prendra des années. Qui seront les responsables? et de quoi? etc. À notre avis, le plus important est la réduction des émissions polluantes et la décarbonisation du transport maritime.
Qu’attendez-vous du nouvel exécutif italien?
E.G.: Nous sommes en contact, particulièrement avec le ministre des Transports Danilo Toninelli. Notre secteur joue un rôle particulièrement important dans l’économie du pays. Nous attendons des mesures de compétitivité, comme le second registre, par exemple. Des dispositions doivent être maintenues et de nouvelles mesures devront être introduites afin de consolider la dynamique des armements et des ports.