Selon le ministère russe des Transports maritimes et fluviaux (information publiée sur le site PortNews), les ports de l’Arctique le long de la Route Maritime du Nord avaient enregistré sur les 8 premiers mois de l’année (données arrêtées au 24 août 2018) 9,95 Mt de marchandises, soit 81 % de plus que les 5,5 millions de l’année dernière (pour rappel, 2,8 Mt en 2013, 3,7 Mt en 2014 et 4,5 Mt en 2015). Il s’agit principalement d’un transit de « destination », vital pour l’approvisionnement des villes arctiques, ainsi que l’acheminement de ressources vers les centres de transformation: métaux, minerais, ressources énergétique…
Sur la RMN, les flux de transit international sont anecdotiques. En 2016, ils ne représentaient que 3 % de l’ensemble. Les navires y sont encore rares (81 selon les autorités russes) et le « yoyo » ne permet pas de préjuger d’une tendance à long terme. Selon l’Observatoire de la RMN, en 2013, année la plus faste pour cette route parmi les six écoulées, 71 cargos ont transité d’Asie vers Europe par la Route du Nord, contre 46 en 2012 et 41 en 2011. En 2016, dernières données disponibles, 19 cargos étaient enregistrés. La majorité des flux concernent les exploitations minières et l’export de pétrole et de gaz à destination de l’Europe et de l’Asie.
Selon le ministère russe, 600 déplacements de navires en Arctique ont été comptabilisés sur cette période dont 10 % ne battaient pas pavillon russe. Les grands armements restent russes (Novoship, Sovcomflot), canadiens (Fednav, Descagnes, etc.), scandinaves et nordiques (Stena, Eitzen, Neste Shipping, etc.), mais aussi grecs (Tsakos Energy Navigation, Thenamaris, Interorient, etc.).
La plus grosse partie du volume répertorié provient du port de Novy, situé sur la péninsule de Yamal. Ce ne sont pas moins de 4,35 Mt qui ont été embarquées sur le terminal pétrolier de ces installations portuaires au cours de cette période. Le port de Sabetta figure à la deuxième place, avec 3,95 Mt de GNL, à l’export.
Du fait de la nature du sous-sol des régions arctiques, la flotte de navires naviguant sur ces mers glacées est donc en grande partie composée de tankers. Les superpétroliers à coque renforcée de classe glace 1A ne représentent que 1 % de la flotte. Les plus nombreux sont ceux de petite taille (30 à 50 000 tpl) pour le transport de produits raffinés (marché balte). On y « croise » aussi des « balticmax » (80 à 125 000 tpl) qui permettent de passer facilement de la Baltique à la mer du Nord et à la mer de Barents. Les plus grands atteignent la taille des « suezmax » (125 à 160 000 tpl).
Forces
• Certains passages libres de glace jusqu’à 8 mois
• La Baie de Vladivostok (ports de Nakhodka, Vostochy, Oussourrisk) libre de glace en hiver
• Installation d’un Conseil de l’Arctique entre pays riverains pour éviter les concurrences sauvages
• Taux de fret plus rémunérateurs sur un marché de niche
• Itinéraire qui ne peut pas être considéré comme une voie de transit à haute fréquence (ce qui est aussi une faiblesse)
Faiblesses
• Itinéraire qui ne peut pas être considéré comme une voie de transit à haute fréquence (ce qui est aussi un atout)
• Surcoûts engendrés par une navigation nécessitant l’utilisation de navires à coque renforcée, l’escorte obligatoire d’un brise-glace côté russe, des équipements spécifiques, un équipage nécessairement expérimenté, contrôle de la température sur les conteneurs…
• Primes d’assurance élevées
• Incertitude climatique et limitation saisonnière
• Circulation sous administration russe et droits de péage demandés par la Russie jugés excessifs mais aux dires de certains armateurs, très négociables selon le tonnage
• Consommations de soutes variables selon les obstacles
• Tirant d’eau limité de certains détroits (Dmitri Laptev et Sannikov, à 13 m), écartant les porte-conteneurs de plus de 5 000 EVP
Opportunités
• Investissements réalisés par les constructeurs dans les brise-glaces en Norvège, Finlande, Corée du Sud, Russie et Chine
• Investissements pour la mise à niveau des installations portuaires et opportunités d’affaires qui en découlent
Menaces
• Voies soumises à des enjeux de puissance
• Gisements de ressources pétrolières, minières et halieutiques
• Revendication de la Russie d’une extension de sa ZEE de 1,2 million de km2 (avec des finalités militaires)
• Présence (militaire) croissante de la Chine (une base permanente en Norvège, sur l’archipel du Svalbard)
• Renforcement des relations sino-russes dans un contexte de tensions internationales
• Avance de la Russie dans la fabrication et l’utilisation des méthaniers brise-glaces (nucléaire)