Jusqu’à présent, le leader portuaire italien, enserré dans une ville à la géographie étriquée (étroitesse de la bande côtière et contraintes du relief montagneux), faisait davantage parler de lui pour les défaillances de son foncier et la congestion des connexions routières et ferroviaires, surtout en direction du Nord-Ouest de l’Italie (95 % des marchandises sur l’axe Gênes-Lombardie voyageant par camions), qui constituaient autant de limites à sa croissance.
Et sa problématique était principalement liée à la concurrence que le plus grand port industriel et commercial de la péninsule subissait de la part de ses homologues du range Nord. Notamment de Rotterdam qui lui « confisquait chaque année quelque 600 000 conteneurs » sur sa zone de chalandise de référence, les régions du Nord de la péninsule, la Suisse et l’Allemagne du Sud. à cet égard, les autorités portuaires n’avaient pas été rassurées par la mise en service commerciale du tunnel ferroviaire du Saint-Gothard en 2016 – 57 km pour fluidifier le transport de marchandises sur l’axe Rotterdam-Gênes – car la partie finale traversant le Piémont, la Lombardie pour déboucher en Ligurie, ne devait être réalisée que vers 2021. Ce qui d’ici-là devait donner la prime au déchargement des marchandises destinées au Sud de l’Europe à Rotterdam.
Être raccordé
Ainsi, améliorer sa connectivité ferroviaire de façon à être connecté au centre de l’Europe est la grande affaire du port ligure. Pour ce faire, Gênes attend beaucoup du grand projet ferroviaire « Terzo Valico », un tunnel de 37 km actuellement en construction à travers les Apennins du Nord. Ce nouvel axe, au cœur du corridor Gênes-Rotterdam, permettra d’accélérer le transit des marchandises entre Milan et Gênes et de le connecter au Nord de l’Europe d’ici 2022. Le tunnel de base du Gothard en est un élément-clé et la Suisse représente une liaison centrale. Les principales voies d’accès italiennes aux NLFA (Nouvelles Lignes ferroviaires à travers les Alpes), projet suisse d’aménagement de lignes à grande vitesse Nord-Sud, notamment via la création de plusieurs longs tunnels de base, devront être adaptées. Gênes est concerné par l’ouverture (prévue en 2020) du tunnel du Ceneri, dans le prolongement Sud du Gothard, et qui reliera le Nord et le Sud des Alpes jusqu’à Milan.
Second plan
L’écroulement du désormais tristement célèbre pont Morandi – unique point de passage entre l’Est et l’Ouest de la ville et passage obligé de l’axe Nord/Sud de l’Italie – rend instantanément ces problématiques secondaires au regard des nouvelles priorités: rétablir les voies de communication en trouvant des itinéraires alternatifs, à la fois pour les 1 000 à 1 500 poids lourds qui l’empruntent chaque jour pour accéder aux terminaux que pour les touristes embarquant sur les bateaux de croisière ou les ferries vers la Sardaigne ou la Corse. Il s’agit aussi de remettre en état une partie du réseau ferré sur lequel le monstre de béton s’est abattu, une partie (même si faible) de la marchandise transitant par le rail.
Avec réactivité, les autorités portuaires ont voulu assurer d’une certaine continuité opérationnelle tout en alertant sur l’urgence d’alternatives, sans lesquelles « les voies existantes seront vire saturées et l’accès au port difficile », exprimait auprès d’Euronews, rappelant qu’un écosystème d’entreprises et « 50 000 emplois » sont en jeu.
Des alternatives?
Dans un communiqué commun, la fédération italienne des agents maritimes, Federagenti, et l’Association des agents et intermédiaires maritimes de Gênes, Assagenti Genova, faisaient aussi savoir que les terminaux étaient en capacité de satisfaire la demande tant dans le fret que pour le passager.
En guise de solutions, l’éxécutif portuaire mentionne l’ouverture du port aux poids lourds la nuit afin de répartir le trafic sur 24 heures. Les surcoûts inévitables pourraient être compensés par des fonds dégagés à titre exceptionnel par le gouvernement, suggère Paolo Emilio Signorini.
D’autres demandent à ce que les poids lourds aient une route réservée d’accès au port comme celle dont bénéficie l’aciériste italien Ilva.
Reste la capacité d’absorption des autres ports, la Ligurie bénéficiant également des ports de La Spezia (1,473 MEVP en 2017), port d’attache de l’armateur italo-suisse MSC, et de Savone.
Selon Paul Tourret, directeur de l’Isemar, interrogé par nos confrères de L’Antenne, les autres ports italiens manquent cruellement de capacité pour offrir un relais suffisant à ce « véritable port d’hinterland » alors que La Spezia est un hub de transbordement (avec 300 000 EVP). Gênes est aussi un port essentiellement tourné vers l’export avec notamment quatre services le reliant à l’Extrême-Orient, indique-t-il.