À contre-courant. En France, la desserte fluviale et ferroviaire des ports est un grand corps malade. Et les nombreux rapports parlementaires appelant au sursaut, les alertes impérieuses de la Cour des comptes, les Grenelles de l’environnement promettant les « Grands Soirs » du fret ferroviaire et autres Assises de la mer, où les Premiers ministres ont déballé de grands desseins massifiés, n’y ont rien changé. Les mots qui claquent (« le trafic cumulé des ports métropolitains français n’atteint même pas le tonnage du seul Rotterdam ») et les formules-choc (« il faut cumuler Marseille, Le Havre et Dunkerque pour s’approcher d’Anvers ») – n’ont pas davantage fait cliquer.
Ni pour enrayer l’inertie du report modal. Pas davantage pour enclencher les investissements nécessaires de façon à ce que l’acheminement terrestre permettre de se distinguer sur le transport conteneurisé où la profondeur d’un arrière-pays pèse dans le choix d’escale d’un armateur. Entre 2006 et 2015, les pré et post-acheminements par fer et voie d’eau dans les ports français n’ont progressé que de 25 % en dépit de l’augmentation de 82 % pour les conteneurs.
In fine, la belle formule « fluidifier et massifier l’acheminement vers l’hinterland pour relever le défi de la massification du conteneur » demeure une incantation consignée dans la plupart des « projets stratégiques » des Grands Ports maritimes (GPM).
Tout l’enjeu réside pourtant là, dans le prolongement terrestre de longue portée. C’est du moins la recette de la gagne des « amis » du range nord-européen, qui grâce à la mise en œuvre de corridors multimodaux, règnent en maîtres sur les trafics de la plupart des grandes régions, y compris à proximité des plus grands ports français.
Au regard de l’énergie déployée en pleine trêve estivale par la ministre chargée des Transports Élisabeth Borne, pour sauver les ports français que l’Europe a malicieusement ou gravement omis d’intégrer dans le cadre de la redéfinition « post-Brexit » du corridor européen mer du Nord-Méditerranée, il semblerait que le monde politique se soit enfin ajusté aux coordonnées portuaires (il faudra un jour s’intéresser aux raisons pour lesquelles, au niveau ferroviaire, la France est étrangement écartée des grands corridors européens).
C’est du moins ce que la parole présidentielle, réellement experte ou astucieusement habile, avait semblé fixer en début de mandat en défendant « un système portuaire structuré autour d’axes maritimes (Seine, Nord, Rhône-Saône) et de trois principales portes d’entrée à la France (Le Havre, Dunkerque et Marseille) de façon à ramifier les hinterlands et à ramener les flux entrants et sortants vers les ports ».
Une vision conquérante de l’hinterland? Une sorte d’eucharistie portuaire? Contre-nature… presque.