Alternatives crédibles aux ports sud-africains?

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En matière de géostratégie portuaire concernant les ports d’Outre-mer, ces deux-là sont sans doute ceux qui harponnent le plus d’intérêts. De la part des géographes et économistes, qui triturent les flux (l’Isemar a particulièrement bien décortiqué les relations dans une étude). Du ministère des Outre-mer qui mise sur son département de La Réunion (Maurice étant une ancienne possession britannique devenue indépendante) pour être un hub régional d’influence. Et de la part des armateurs pour structurer leurs lignes sur une route maritime à la charnière entre océans Indien et Atlantique, parmi les plus stratégiques depuis l’accélération des échanges entre l’Asie et l’Afrique.

Distantes de 200 km dans le Sud-Ouest de l’océan Indien, les ports de La Réunion et de Maurice*, souvent appelées « îles sœurs », ont consenti ces dernières années d’importants investissements pour être des alternatives de transbordement crédibles aux ports sud-africains qui irriguent en profondeur de vastes arrière-pays à l’image de Richards Bay, Durban et Ngqura. Mais leur congestion, leur faible disponibilité foncière et leurs carences de productivité… – incompatibles avec les fonctions de transbordement – pourraient rendre quelques voisins (ambitieux) heureux. Et ce d’autant plus que la scène portuaire régionale « ne » compte qu’une vingtaine d’établissements portuaires, dont seule une moitié dépasse le cap du million de tonnes.

Toutefois, d’autres pays contigus, tout autant baignés par l’océan Indien, ont des velléités portuaires (cf. plus loin, Les Ambitions démesurées des pays du Sud de l’Afrique).

Port le plus profond

Sur cet échiquier, les ports de l’archipel des Mascareignes de La Réunion et de Maurice se démènent donc pour exister. Le premier, aidé par l’armateur CMA CGM, grignote progressivement un peu du leadership au second, qui fut pourtant le premier à préempter un positionnement de transbordement en investissant dans le Mauritius Container Terminal (MCT) alors qu’aucun autre port insulaire régional n’occupait cette fonction.

Ce faisant, l’île est parvenue à tisser des liens avec les ports secondaires de la zone tout en initiant avec ses voisins des accords de libre-échange pour stimuler son commerce extérieur. Un pari réussi puisque le transbordement représente désormais 30 % de son trafic portuaire (un peu plus de 7 Mt) et affiche des croissances à deux chiffres chaque année, MSC et Maersk s’arrogeant 80 % du trafic de conteneurs. 191 M$ ont été investis ces dernières années par Maurice.

Lors de l’inauguration récente d’un quai allongé, le Premier ministre, Pravind Kumar Jugnauth, qui auto-déclarait le port comme « le plus profond du Sud-Ouest de l’océan Indien », annonçait la construction d’un « Island Terminal Container (ITC) », dédié au transbordement de conteneurs avec une capacité de plus de 1,5 MEVP. Qui plus est, les autorités mauriciennes prévoient de construire sur plus de 360 ha une zone économique spéciale à Riche-Terre en vue de se positionner en centre logistique et maritime pour attirer les industries de transformation qui ré-exportent vers l’Asie et l’Afrique australe.

Primauté contestée

Les investissements récents du port de La Réunion sont sans doute pour quelque chose dans les prétentions réactivées du leader régional.

Pour ne pas être condamné au statut de port secondaire, le GPM de La Réunion (trafic de 5,55 Mt en 2017, + 34 % en 3 ans) a fléché quelque 140 M€ entre 2014 et 2018 vers la conteneurisation, sur le site de Pointe-des-Galets. Un terminal à conteneurs modernisé livré en 2016 a offert au bassin Est un tirant d’eau à 14,5 m. Linéaire de quais allongé (de 400 à 640 m), acquisition de trois portiques pour des « super over panamax »… permettent désormais de traiter des navires de 9 000 EVP, de ceux qui colonisent les lignes régionales.

Ces investissements lui ont permis de dépasser le cap des 300 000 boîtes traitées (332 754 EVP en 2017) dont 88 300 EVP (1,333 Mt) en transbordement en 2017 (+ 24 %), toutefois en décélération par rapport à l’année précédente (+ 209 %!). Les trafics d’éclatement comptent à ce jour pour un petit quart de l’activité conteneurs. Ils ont offert de surcroît en 2017 un point d’appui pour couvrir intégralement le manque à gagner provoqué par la décrue sur les autres trafics, à l’exception des véhicules (+ 2 % en unités, 35 300 véhicules).

Un succès à partager

Ces résultats, qui légitiment la stratégie opérée par les autorités portuaires, doivent néanmoins être partagés avec CMA CGM. Le géant mondial a choisi de faire de l’île française** sa plateforme régionale de transbordement, opérant plusieurs services océaniques hebdomadaires incluant La Réunion, au départ de l’Europe (North Europe Med Oceania), du Moyen-Orient (Midas), de l’Asie du Sud-Est (Mozex) et de Chine (service Asia West Africa).

« Nous avons renversé la vapeur. Nous étions un port feederisé. Aujourd’hui, deux tiers de nos lignes sont des services directs. Nous avons gagné 6 à 7 jours de transit-time, pour être entre 15 et 17 jours de toutes les destination, soulignait la direction rétrospectivement. Notre montée en puissance ne s’est pas faite au détriment de Maurice ou Tamatave (Madagascar, ndlr). On avait estimé il y a quelques années que les routes au large de Madagascar voyaient passer 6 à 7 M EVP par an ». Selon Jean-François Laurent, le président du directoire du GPM, l’objectif des 100 000 EVP transbordés en 2018 pourrait être atteint plus tôt que prévu.

À 1,922 Mt, Port Réunion a achevé les quatre premiers mois de l’année 2018 sur une progression de 7 %, et de 10 % pour le conteneur (114 171 EVP).

Enjeu, les exportations

À La Réunion, un des principaux enjeux économiques, comme pour les autres départements et collectivités d’Outre-mer, est le développement des exportations (314 M€ en 2017, en retrait de 7,67 % p/r à 2016) quand les importations s’établissent à 5,7 Md€. Les productions de l’industrie sucrière restent aujourd’hui les principaux et exclusifs débouchés à l’export du département français.

En tout cas, le port réunionnais porte toujours le projet d’un second port (Bois-Rouge à Saint-André) à l’horizon 2035-2040.

* Port-Louis est géré par la Mauritius Port Authority, une organisation para-étatique. Le port de La Réunion a le statut de Grand Port maritime.

** Maersk y opère également. Il a lancé dès 2016 son service FEW6, desservant directement Port Réunion depuis les principaux ports chinois.

Quelle place sur la scène internationale pour les ports d’Outre-mer?

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