Assurance maritime: À quand le rebond?

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Pire fut l’année dernière et mieux sera l’année prochaine? L’exercice, qui vient de s’écouler pour le secteur de l’assurance transports, ne s’exprime pas vraiment en ces termes. « Il n’y a pas eu de gros sinistres, comme ceux qu’on a pu connaître par le passé, qui viennent taper fortement dans les marges des assureurs et réassureurs. Les résultats ne sont pas significativement en décalage par rapport aux années précédentes: la branche n’est pas extrêmement profitable mais les résultats ne sont pas catastrophiques », rassure Christophe Graber, le président du Comité maritime et transport de la Fédération française des sociétés d’assurance (FFA). Chaque année, à l’occasion des Rendez-vous de l’Assurance Transports, le syndicat professionnel présente les données consolidées de l’ensemble des contrats passés auprès des compagnies d’assurance du transport maritime et aérospatial.

« Toutes polices confondues, les cotisations se sont élevées à 2 Md€ en 2017, dont 1,552 Md€ pour le maritime (618,8 M€ pour les corps de navires, à – 2,8 % et 933,3 M€ pour les marchandises, à + 1,7 %). Le marché est en légère diminution de 4 à 5 %, mais pour l’essentiel liés aux effets de change, de nombreuses affaires étant souscrites en dollars », dresse à gros traits Christophe Graber.

Même les Lloyd’s…

Si elle a rétrogradé de quelques places dans le classement mondial ces dernières années, la « place de Paris » se maintient au 7e rang mondial, représentant peu ou prou quelque 5 % des encaissements mondiaux (27,5 Md$, soit 23 Md€, en repli de 10 % en 2017). Le marché reste dominé par le Royaume-Uni avec les Lloyd’s britanniques (même si en 2017 et pour la première fois depuis 15 ans, ils ont affiché pour la seule assurance maritime une perte de 469 M£, soit 534,3 M€) et la Scandinavie.

En 2016, les assurances Corps (navires) avaient déjà dévissé de 11,5 % tandis que le segment plus rentable de l’assurance « marchandises transportées » avait limité la casse, à – 1,6 %. 2017 aura donc encore été une année de pertes, en lien notamment avec les ouragans Harvey, Irma et Maria qui ont coûté chacun entre 20 et 27 Md€. L’International Union of Marine Insurance (IUMI) établit à 33 le nombre de catastrophes maritimes (dommages assurés à 23,3 Md$) en 2017 contre 36 en 2016.

Taux de fret bas, primes au plancher et surcapacité

Pour les compagnies d’assurance française, l’équation n’est pas simple, contrainte de jongler entre les tensions sur les primes (au plancher depuis 2012) en raison de la surcapacité de l’offre du marché de l’assurance (notamment en raison de l’arrivée de nouveaux entrants) couplée à la baisse d’activité du transport maritime et de la valeur des matières premières transportées.

« Le marché de l’assurance subit aussi une baisse des primes car les risques sont de meilleure qualité du fait d’une amélioration continue de la sécurité et c’est encore plus vrai dans le marché aérien », complète Christophe Graber, par ailleurs directeur général de la Réunion aérienne et de la Réunion spatiale (un des gros « faiseurs » du marché de l’assurance aérienne et spatiale qui intervient pour le compte de Generali, Covéa et Scor UK). Et de citer le rajeunissement de la flotte, une meilleure formation des équipages, et gestion du risque.

Effets méga-alliances

Les méga-alliances ont également des effets: « Les armateurs peuvent consolider leurs besoins d’assurance pour acheter en volume. Ils ont donc un pouvoir de négociation plus fort. Des clients plus gros sont aussi plus avertis, qui ont recours à des financements bancaires, lesquels exigent des niveaux de protection plus importants. Le marché a donc atteint des degrés de maturité sur toute la chaîne », analyse le président, qui y voit des effets positifs pour les assureurs en termes d’optimisation de la gestion.

Le gigantisme des navires – et donc des « objets de plus en plus chers » à assurer –, impacte également le fonctionnement dans la mesure où il conduit à ce qu’il « y ait plus de sociétés impliquées sur des polices d’assurance ».

Axa et XL, la méga-fusion

Le secteur a été en proie aux grands mouvements de consolidation ces dernières années (dont celle en cours, approuvée par les actionnaires, Axa mettant la main sur le groupe des Bermudes XL, une opération de 15,3 Md$).

Le marché français, qui comptabilisait une petite cinquantaine d’acteurs dans les années 90, compte aujourd’hui une quinzaine d’assureurs et une petite vingtaine de courtiers. La situation n’a pour autant pas entraîné de réduction de capacités alors que les résultats techniques, les évolutions réglementaires (Solvabilité II), l’asséchement du financement bancaire (passé de 83 % du total en 2010 à moins de 60 % en 2017) auraient pu engendrer un désengagement.

2018, mieux?

Pour les représentants de la place française, « les indicateurs macroéconomiques globaux sont bons ». Les professionnels s’appuient notamment sur les données de la Banque mondiale, qui table sur une croissance mondiale de 3,1 % en 2018 et sur celles de l’OMC établies en mai 2018: la croissance du transport de marchandises devrait se fixer autour de 4,4 % (après + 4,7 % en 2017). Mais avec des risques d’escalade en lien avec les tensions commerciales.

Si la concurrence reste forte, ce qui n’exclut pas de nouvelles consolidations, « la France est un marché mature, pérenne, solide et qui attire de surcroît des investissements étrangers », veut faire passer Christophe Graber qui observe une tendance à la réouverture de bureaux en France par des groupes étrangers (à l’instar de Tokio Marine Kiln). « C’est ce qui a fait la force du marché de Londres: une grande partie des Lloyd’s sont soutenus par des investisseurs étrangers ».

Dernièrement, la filière française de l’assurance transports, qui s’est fédérée sous la bannière commune « ParisMat »*, était en Grèce. « Nous ferons une ou deux actions de ce style par an en visant en priorité des marchés captifs pour notre filière, réputée pour son haut degré de savoir-faire en analyse des risques et en règlements de sinistres ».

À l’heure du Brexit, il peut aussi être utile de remettre Paris et la France au cœur du marché mondial de l’assurance transports. Et ainsi, de créer un appel d’air pour des entreprises « apatrides ».

« On sent que le marché anglais est dans l’expectative », se conforte Christophe Graber, connaisseur de ce marché pour y avoir une bonne part de son business.

* Plateforme hébergée par le Cluster maritime français, associant le Cesam, Ucamat, Armateurs de France, FFA, Chambre arbitrale maritime de Paris et Association française de droit maritime..

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