Adoptée par l’Assemblée nationale le 17 avril 2018, puis par le Sénat le 5 juin, la « loi pour un nouveau pacte ferroviaire » porte plusieurs mesures majeures: l’ouverture progressive à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs, l’arrêt du recrutement au statut des cheminots, mais aussi une nouvelle organisation de la SCNF, qui va devenir une entreprise de droit privé, à capitaux publics. Cela s’accompagne en outre d’une reprise par l’État de la dette de la SNCF, pour lui « permettre de continuer à investir sur le réseau ».
La réorganisation de la SNCF ne résout pas pour autant les problèmes de sa branche fret, qui avait été déjà été recapitalisée par l’État à hauteur de 1,4 Md€ en 2005, pour préparer l’ouverture du fret ferroviaire à la concurrence. Depuis 2008, les effectifs ont été divisés par deux et les flux par quatre. Mais les pertes continuent à s’accumuler année après année, avec une dette atteignant à ce jour près de 4,5 Md€. La grève en pointillé des mois d’avril, mai et juin a occasionné à elle seule une perte de 100 M€ à l’activité fret, selon la SNCF.
Difficile politiquement
Au-delà de l’entreprise publique, c’est bien le fret ferroviaire dans son ensemble qui pourrait avoir le plus souffert des effets de la grève: désorganisation des chaînes logistique, perte de clientèles, et autant d’efforts qu’il faudra faire pour récupérer les trafics et convaincre de la fiabilité… Sans garantie de succès pour autant. Alors que deux syndicats ont annoncé leur intention de continuer cet été la grève perlée pour peser sur les futures négociations de l’accord de branche, la filière du fret ferroviaire compte déjà ses pertes. Le Groupement national du transport combiné, par exemple, a fait état au 25 juin de 15 M€ de pertes financières dues à 1 150 trains supprimés sur les 2 700 prévus aux mois d’avril et mai et évoque « des retards entre 12 heures et 5 jours pour 10 % des trains qui ont circulé ».
Pour favoriser le report modal, la ministre chargée des Transports, Élisabeth Borne, a annoncé le 8 juin un nouveau « plan de relance du fret ferroviaire ».
Parmi les mesures mises en avant par le gouvernement: soutien au transport combiné pour cinq ans à hauteur de 27 M€ par an, remise en état du capillaire fret (participation de l’État de 10 M€ par an) ainsi que des voies de service (20 M€ par an d’investissements de SNCF Réseau), et enfin baisse des péages pour le fret ferroviaire, avec une prise en charge par l’État du manque à gagner pour SNCF Réseau. Il ne s’agit pour l’instant que d’annonces, la ministre précisant que le plan fret fera l’objet « d’une publication complète dans le cadre de la présentation prochaine du volet programmation des infrastructures du projet de loi d’orientation sur les mobilités ». La présentation de ce projet de loi, qui doit être étudié par le Parlement à la rentrée, est d’ailleurs sans cesse repoussée, une ombre planant sur le sujet: la présence ou non dans la loi d’orientation sur les mobilités d’un dispositif de taxation du transport routier, qu’on le nomme « écotaxe » ou « vignette poids lourds ». Une mesure efficace pour favoriser le report modal, mais lourde à porter politiquement.