Derrière les corridors, bien des enjeux…

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Le président de la région Sud s’est hâté de s’en féliciter par un communiqué véloce dont il est friand. Selon Renaud Muselier, la « reconnaissance officielle » par la Commission européenne du tronçon Marseille-Gênes parmi les 9 corridors du Réseau transeuropéen de transport (RTE-T) rend désormais « prioritaires tous les dossiers qui relèveront de ce tronçon à commencer par ceux du port de Marseille » et éligibles aux fonds européens (via le Mécanisme pour l’interconnexion en Europe) des infrastructures « à plusieurs milliards d’euros dans les 10 prochaines années »..

« Nous devons déposer un maximum de dossiers à l’appel à projets, qui vient d’être lancé par la Commission avant octobre », a exhorté l’élu, en outre président de la commission Europe à l’Association des régions de France (ARF).

Pas une première

Le député européen réagissait aux deux seuls ajustements (avec Nantes, page suivante) concédés par Bruxelles dans la proposition de budget 2021-2027 de sa politique de transport. Si ces modifications sont acceptées (elles doivent encore être soumises à l’adoption du budget par le Parlement et le Conseil européens en 2019), le port de Marseille figurera sur le tracé du corridor multimodal Méditerranée*. Concrètement, c’est la garantie d’avoir des sillons ferroviaires ouverts.

Pour Marseille, au carrefour de deux des trois corridors qui concernent la France, il y a un précédent. En fin d’année dernière, les collectivités locales et le port de Marseille avaient arraché, après deux ans d’influence, l’inscription du maillon Marseille-Fos-Genève au corridor mer du Nord-Méditerranée**. Un chaînon de 450 km qui rapproche Lausanne et Genève du port phocéen. Derrière ce sillon, bien des enjeux en réalité. Il y a 20 ans, le trafic de Suisse romane passait par Marseille. Aujourd’hui, il échoit aux ports nord-européens, qui ont bien exploité les passages à vide de ce port à la fiabilité malmenée par la réforme.

L’amélioration de la connexion des terminaux à conteneurs de Fos avec son hinterland rime aussi avec facilités pour les clients. Sur un plan opérationnel, elle permettrait de gagner 5 jours de mer par rapport aux ports du range Nord (eux, à 900 km de Genève), « ce qui nous permet d’afficher un door-to-door sur des produits textiles de 17 jours en provenance de l’Inde, de 8 jours sur les fruits secs de Turquie et seulement de 72 heures pour acheminer des produits pharmaceutiques depuis Genève sur Alger », liste Jean-Philippe Salducci, le président de l’UMF Marseille-Fos, parmi les contributeurs de ce « succès collectif ».

Plus largement, à Marseille, cela fait quelques années que l’axe rhodanien – cet espace d’extension naturelle au potentiel de 500 à 600 000 EVP –, fait l’objet d’investissements ciblés. « Cette étape suisse est majeure car elle va probablement dénouer des clés qui vont nous emmener en Allemagne, Belgique, Hollande et, pourquoi pas, jusqu’à la Russie », s’enflamme la présidente du directoire du Grand Port maritime de Marseille, Christine Cabau-Woehrel.

Si vue du continent, la situation de Marseille-Fos paraît idéale car située au carrefour de la vallée du Rhône et de l’arc méditerranéen. Appréhendé depuis les mers, ce port est relativement éloigné de la banane bleue européenne. Les dessertes routières, ferroviaires et fluviales sont donc cruciales pour pouvoir desservir les marchés les plus éloignés.

En une douzaine d’années, la part massifiée des dessertes de Marseille-Fos est restée stable alors que les trafics progressaient de près de 50 %. La part fluviale (9 % des trafics, autour de 80 000 EVP), tout en restant marginale, est toutefois devenue l’égale du fer (autour de 10 % du trafic). La route règne en maître à moins de 200 km de distance.

82 M€ pour le report modal

« Nous avons augmenté la part de conteneurs transitant par le fer de 60 % sur les 4 dernières années. Genève sera la 27e destination couverte. Une quinzaine d’opérateurs de transport combiné desservent actuellement nos installations », garantit Christine Cabau-Woehrel.

Marseille-Fos s’est ainsi assigné l’objectif de 30 % du trafic conteneurisé en modes massifiés. En 2018, ce sont 82 M€ qui seront alloués à des investissements en faveur du report modal ferroviaire et fluvial.

Pour offrir la possibilité de transférer les marchandises sur les trains depuis Valence, Barcelone ou Marseille, il reste quelques chantiers à réaliser tels le contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise et le canal à grand gabarit entre le Rhône et le Rhin. Ouvrages que le Conseil d’orientation des infrastructures n’a pas forcément jugés prioritaires.

En attendant, la navette ferroviaire franco-suisse est devenue une réalité. Enfin presque. Annoncée pour juin, la liaison, portée par société France Helvétie Express (avec au capital, les ports du Havre et de Marseille et l’opérateur de transport combiné Naviland Cargo, filiale de SNCF Logistics), sera mise en service en septembre. À raison de trois fois par semaine, elle connectera à partir de Marseille-Fos et Le Havre, depuis et vers le terminal de Chavornay (Lausanne) et via Dijon-Gevrey (Bourgogne), où se consolideront les flux.

En s’appuyant sur les deux sites de remplissage Nord et Sud, les opérateurs ferroviaires minimiseraient ainsi les risques tout en maximisant les chances de remplir les trains. Premier cap: un objectif de 40 % à l’import et de 30 % à l’export début 2019.

RTE-T: Un réseau de transport unifié

Colonne vertébrale du futur réseau de transport européen, les 9 corridors (RTE-T, le réseau transeuropéen de transports) doivent quadriller l’Europe et combiner trois modes de transport. Ils seront connectés entre eux et engloberont 94 ports et 38 aéroports à terme. Le projet impose aussi de créer 15 000 km de voies ferrées à grande vitesse et de développer 35 projets d’infrastructures transfrontaliers.

Au total, la France est concernée par trois des RTE-T. Après une enveloppe de 26 Md€ fléchée dans son budget 2014-2020, l’UE propose, pour la période 2021-2027, de doter le MIE d’une enveloppe de 42,3 Md€ dont 30,6 Md€ pour les seules infrastructures de transport.

* Méditerranée: Est de la péninsule Ibérique-Italie-Hongrie-Ukraine.

** Mer du Nord-Méditerranée: Irlande-Glasgow-Nord du Royaume-Uni-Pays-Bas-Belgique-Luxembourg-Marseille.

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