La décision du Conseil d’État relative à l’imposition du terminal du Verdon a été une déconvenue pour l’Unim, l’Union nationale des industries de manutention. « Notre priorité, c’est de sécuriser l’investissement privé sur les ports », a répété Ronan Sevette, nouveau délégué général de l’Unim (Union nationale des industries de la manutention dans les ports français) dans son rapport d’activité. « Il y a un véritable développement des investissements alors que nous sommes dans une extrême précarité quant au cadre économique ».
La réforme de la gouvernance des ports est nécessaire pour adapter la fiscalité aux réalités économiques. D’autant que les manutentionnaires regrettent « l’omniprésence des pouvoirs publics dans le monde portuaire ». Cela passe par la réforme de la gouvernance des ports, qui donne le cadre pour les investissements publics et privés, et dans laquelle les acteurs privés doivent avoir un rôle renforcé.
Un autre grief porté par l’Unim a trait à la domanialité publique. Déçue par la loi Sapin 2, l’Unim, épaulée notamment par l’UPF et le Cluster maritime français, est remontée au créneau et a obtenu une ordonnance plus favorable. Le principe de « mise en concurrence » est désormais remplacé par celui de « publicité suffisante », qui donne plus de souplesse. Des exceptions sont également prévues, notamment sur la prorogation des autorisations domaniales. Enfin, il est acquis que la durée de l’autorisation domaniale doit être corrélée à un retour sur investissement équitable.
Conventions de terminal?
Las, ces progrès ont été mis à mal par l’arrêt du Conseil d’État du 14 février dernier concernant le Verdon et le port de Bordeaux. « Cet arrêt pourrait remettre en cause toutes les conventions de terminal », s’inquiète Ronan Sevette, « et pourrait nous ramener aux concessions. Ce serait annihiler toute l’évolution des 25 dernières années ».
En substance, l’arrêt dit que les opérateurs privés investissent et exploitent pour les besoin de l’autorité portuaire. « Et bien non! », assène Christian de Tinguy, le président de l’Unim. « Nous ne travaillons pas pour l’autorité portuaire mais pour nos clients. Il est hors de questions de revenir sur ce point ».
Les manutentionnaires demandent à ce que le régime général de l’occupation domaniale soit celui de l’AOT « pour toutes les activités ne revêtant pas le caractère d’un service économique d’intérêt général ». Et que le régime de la concession, lui, ne s’applique qu’à titre exceptionnel, « quand une activité portuaire, à circonscrire strictement, le justifie ». La concession du terminal du Verdon entrerait dans cette seconde catégorie.
Contrôles fiscaux
Ces propositions ont été prises en compte dans le projet de loi sur les orientations de la mobilité. En attendant son examen par les parlementaires, l’Unim s’est adjoint les services de lobbyistes. Et elle incite ses adhérents à rencontrer les députés et sénateurs avec lesquels ils sont en contact pour conforter cette position.
L’autre sujet qui tracasse les professionnels est celui de la fiscalité portuaire. Elle « s’est considérablement alourdie au cours des 20 dernières années », a rappelé Ronan Sevette. D’autant plus que la part du privé dans les investissements n’a cessé de croître. « Cette situation engendre une érosion de la capacité financière des entreprises et une évidente distorsion de concurrence avec les ports des pays voisins ».
Pour aggraver encore la situation, les contrôles fiscaux se sont multipliés ces derniers temps et viennent même de toucher les Dom. Ces redressements soumettent les installations au régime industriel de la taxe foncière quand elles étaient auparavant assujetties au régime commercial. « Cette application reste d’ailleurs hétérogène entre les acteurs et les centres des impôts, ce qui crée des différences de régime difficilement compréhensibles », observe Niels Beneton, vice-président de l’Unim.
Il a rappelé qu’il existe des régimes dérogatoires pour les aéroports, les autoroutes, les voies ferrées. L’Unim souhaite qu’un régime similaire soit appliqué aux installations portuaires, « avec une taxe foncière claire et inscrite dans la loi ». Et que la loi définisse une base locative « faible et homogène » pour l’ensemble des ports.
Échanges encore difficiles …
Même si les relations entre manutentionnaires et dockers se sont apaisées ces dernières années, des points de tension persistent. Ainsi, les deux parties ne s’accordent pas sur l’interprétation de la loi Bonny. Les dockers considèrent que la priorité d’emploi à laquelle ils ont droit s’applique aussi à d’autres postes que les seuls chargement et déchargement des navires. Ils ne s’entendent pas non plus à propos des ordonnances Macron qui permettent de déroger aux conventions collectives et de passer des accords d’entreprise. Quant aux négociations annuelles obligatoires des salaires, les dockers considèrent qu’elles doivent concerner l’ensemble des salaires, tandis que leurs employeurs les limiteraient aux seuls minima conventionnels. M.GS.