Le transport maritime doit à nouveau composer avec un pétrole à la hausse

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À nouveau, un pétrole cher s’invite à la table de toutes les spéculations. L’économie s’était presque habituée à l’idée d’un brut au cours éternellement bas depuis qu’il avait touché le plancher, se fixant à 27,82 $ en janvier 2016 alors qu’il faisait encore le faraud à 111 $ en juin 2014. Dès 2016, l’IFP-EN avait toutefois annoncé qu’il fallait s’attendre à une « remontada ». C’est acté. En un an, le prix du baril est passé de 52 à près de 77 $, jusqu’à avoisiner les 80 $ de surcharge de soute par conteneur au départ de tous les grands ports d’Asie.

Sans plus attendre, les plus grands transporteurs maritimes mondiaux – CMA CGM, Maersk Line, MSC et Hapag-Lloyd –, ont annoncé l’application d’une surcharge à leur tarif officiel de façon « exceptionnelle » et « temporaire d’urgence » (« Emercency bunker recovery measures ») pour contrebalancer la forte hausse du prix du fuel estimée à 19,4 % par Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, à l’occasion des résultats financiers du premier trimestre. À compter du 1er juin, le troisième armateur mondial fera payer à ses clients un supplément de 55 $ (47 €) par conteneur.

Prix du baril le plus élevé depuis 2014

« La surcharge bunker, qui atteint actuellement un niveau de 440 $ par tonne en Europe, a été nettement supérieure à ce qui avait été prévu. Cette situation ne nous permet plus de compenser les coûts de soutes avec les mesures d’ajustement négociées (BAF, bunker adjustement factor, NDLR) », a annoncé le danois Maersk Line qui imposera 60 $ en supplément par conteneur à compter du 1er juin et 1er juillet 2018 (selon les lignes).

Pour l’italo-suisse MSC, qui a également opté pour la surcharge, il s’agit d’une « mesure de dernier recours », d’une « action d’urgence nécessaire » pour « faire face à l’augmentation des prix du carburant de plus de 30 % cette année et de près de 70 % depuis juin dernier, soit 442 $ la tonne en Europe, le niveau plus élevé depuis 2014 ».

L’Allemand Hapag-Lloyd fut le dernier transporteur à publier une surcharge mais en contrepoint de ses rivaux avec un supplément de 1 dollar par conteneur entrant et sortant sur les marchés Asie-Europe du Nord et Asie-Méditerranée à partir du 1er juillet. Puis l’Allemand a surpris le marché en annonçant, pour la « haute saison » un supplément de 55$ par conteneur prélevés à compter du 1er juin sur tous les trade en provenance de Chine.

Leviers pour contenir les marges

Les annonces n’ont rien de surprenant tant la hausse du cours du pétrole a un impact direct sur le transport maritime, le carburant entrant pour un tiers à la moitié dans les coûts d’exploitation.

Pour compenser les pertes ou préserver leurs marges opérationnelles, il n’existe pas quantité « industrielle » de leviers. D’autant que le secteur doit composer avec des taux de fret depuis bien des années structurellement bas (exceptées quelques hausses ponctuelles), résultat des surcapacités du secteur générées par la course au gigantisme, stratégie délibérée qui a permis de réduire les coûts de transport mais sacrément perturbé les règles de l’offre et de la demande. À d’autres périodes comparables, en lieu et place de la surcharge tarifaire ou en plus, certains armateurs ont opté pour la réduction de la vitesse des navires (slow steaming). Le passage de 24 à 18 nœuds permettrait de diviser la consommation par deux.

La hausse du fuel reste mal venue pour un secteur fragilisé. Elle porte le risque de saborder les efforts entrepris par les transporteurs maritimes au prix d’une stricte discipline financière pour maintenir les compteurs à flots dans un environnement soumis à de fortes pressions depuis près d’une décennie.

Il y a un an, à période quasi comparable, excepté CMA CGM qui publiait un bénéfice de 86 M$ (73,5 M€), le danois Maersk Line, leader mondial du secteur, affichait 66 M$ de pertes (56,3 M€) et l’allemand Hapag-Lloyd, alors numéro cinq, 62 M$ (53 M€). À l’issue de ce premier trimestre 2018, tous sont dans le rouge, y compris le Français cette fois.

Meilleur résultat attendu pour 2018

Malgré les résultats décevants du premier trimestre, les armateurs restent confiants sur leurs perspectives. Message: « L’industrie du transport maritime connaît une croissance soutenue mais est pénalisée par la forte hausse des prix du fuel », a martelé Rodolphe Saadé, qui entend poursuivre l’orthodoxie opérationnelle et financière.

Côté chargeurs, la mesure passe… mal. Celui qui fut le premier à sonner la charge s’appelle Bjorn Vang Jensen, vice-président en charge de la logistique mondiale chez Electrolux. « Quelle réaction auraient les transporteurs si nous, les chargeurs, leur annoncions qu’en raison des récentes augmentations des prix de l’acier, nous décidions arbitrairement de revoir les taux de fret à la baisse de 20 % de façon immédiate et nonobstant tout accord », a-t-il publié sur sa page LinkedIn. « Je crois que nos marchandises resteraient à quais »…

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