« Pourquoi se priver d’un système à l’efficacité-coût remarquable? »

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JMM: Cette année, les tables rondes de votre événement font manifestement la part belle aux technologies, notamment la blockchain et les risques cyber. Cela détonne avec les précédentes éditions davantage axées sur des questionnements géopolitiques: le Brexit, l’Afrique, la globalisation… Que faut-il en déduire?

Patrice Gilbert: Il faut y lire l’évolution d’un rendez-vous dans le temps. Le Cesam n’est qu’une cheville ouvrière de ce rendez-vous. Ce sont les acteurs du marché, en l’occurrence les sociétés d’assurance composant le GIE, qui choisissent les sujets. Ils sont donc le reflet des préoccupations du marché français du moment et de la place française de l’assurance transports, qui est notamment en train de s’organiser sous la bannière de ParisMat.

De tous temps, les assureurs se sont adaptés à l’émergence de nouveaux risques. La raison d’être d’un assureur est de ne pas être trop en avance avec des garanties dont personne n’a besoin, ni trop en retard à ne pas donner les garanties dont les clients ont besoin. Ils doivent avancer à la vitesse des besoins de leurs clients.

Les risques technologiques sont-ils bien identifiés par les assureurs et pris en charge par le volet assurantiel?

P. G.: Lors du Rendez-vous, une table ronde sur le risque cyber devrait en partie répondre à ces questions. Pour notre part, au Cesam, nous sommes conscients des risques quant aux informations que nous traitons. Preuve en est le système d’informations économiques automatisé – Optiflux – que nous avons développé dès 2004 et qui sécurise tous les flux financiers grâce à un système entièrement crypté, quasi inviolable, le même cryptage que promeut d’ailleurs aujourd’hui la blockchain. Il permet des échanges automatisés de toutes les données qui circulent entre les courtiers, les compagnies du marché français et leurs agents souscripteurs, qu’il s’agisse des listes de répartition de coassurance, des primes émises, des ouvertures et évaluations de sinistres… Il va même jusqu’à assurer les paiements aussi bien de primes que de sinistres voire des écarts de commissions versées par tel ou tel co-assureur par rapport au taux fixé par l’apériteur. Sur le seul périmètre de l’assurance transports, ce sont plus de 150 000 fichiers échangés qui permettent ainsi au Cesam d’encaisser plus de 200 M€ de primes par an.

Combien de professionnels l’utilisent 14 ans après son implantation?

P. G.: Ils sont 28 sur une quarantaine. Les raisons de cet écart? Il semble que la diminution des coûts de traitement ne soit pas une priorité pour toutes les sociétés contrairement à ce qu’elles mentionnent. Le système ne demande pourtant qu’un petit investissement de départ en informatique mais avec, à la clé, une diminution significative des coûts de gestion.

Est-ce le fait d’une résistance à la technologie ou ont-ils opté pour d’autres systèmes?

P. G.: Ils n’utilisent pas d’autres systèmes. D’ailleurs, il y en a peu et ils émergent à peine. On sait que les Lloyd’s finalisent un système comparable pour le marché londonien mais absolument pas voué à gérer les affaires souscrites en France par les courtiers français pour le compte de compagnies d’assurance opérant en France. Les grands réassureurs développent également un système de transmission de données du même type pour gérer les comptes avec les courtiers de réassurance. Plus trivialement, notre concurrence, ce sont le bordereau et le mail. Hors Optiflux, les documents se transmettent par mail avec pièces jointes, autant dire de façon ni sécurisée, ni contrôlée. Ainsi, si la personne à qui il est destiné est absente ou si le mail est mal adressé, le dossier ne sera pas traité …

Pourquoi les pratiques traditionnelles persistent si votre système rend un service avec une efficacité/coût intéressante?

P. G.: Il nous est souvent opposé un argument-inconvénient qui est aussi son avantage: tous les co-assureurs d’une même police sont traités de la même manière et à la même milliseconde près. S’il est difficile de donner des indicateurs de performance, nous sommes en mesure d’avancer, avec les retours d’expérience de compagnies qui l’ont adopté, qu’il permet d’économiser l’équivalent d’une dizaine d’emplois temps plein. Ce n’est peut-être pas colossal mais, au regard de son faible coût de fonctionnement, c’est appréciable. Quand vous avez un système qui permet, avec une grande facilité d’utilisation et d’efficacité, d’automatiser un certain nombre de procédures à un coût accessible et en respectant toutes les normes réglementaires existantes, pourquoi s’en priver?

Quels sont les autres chantiers sur lesquels le Cesam travaille?

P. G.: Il est en pointe sur un sujet qui commence à intéresser les chargeurs et notamment les assureurs des marchandises transportées: le risque de cumul inconnu. Une situation illustrée notamment par le sinistre sur le port de Tianjin en 2015 dont on ne connaît pas avec précision le coût des dommages mais les estimations tournent entre 3 et 6 Md$. Le Cesam démarre une expérience-prototype (nom de code: Sicmec, NDLR) sur un système de suivi des marchandises qui sera ouvert à tous les partenaires de la chaîne logistique.

Il s’agirait d’une plateforme centrale sur laquelle les chargeurs, les transporteurs, les ports, les gestionnaires d’entrepôts pourraient renseigner un certain nombre d’informations, traitées au bénéfice de tous ceux qui ont un intérêt à la marchandise en expédition.

Quelle structure pourrait assurer la gouvernance de cette plateforme?

P. G.: Elle a vocation à être mondiale. Ce ne peut donc pas être le Cesam car il est un GIE d’assureurs opérant en France. Il faut qu’elle soit portée par un organisme de confiance dont on soit assuré de la neutralité, de l’indépendance et de la sécurité car il aura la charge de déterminer qui a accès et à quelle information. Il faudra un outil crypté car il est évident que des malfaisants peuvent être intéressés par des informations sur la localisation et la valeur des marchandises transportées.

À l’occasion du rendez-vous de juin, allez-vous faire une annonce particulière?

P. G.: Il se pourrait qu’on nous confie la gestion de la notation des risques selon la dangerosité des pays. Jusqu’à présent, elle était exercée par la Caisse centrale de réassurance, dont le périmètre d’activité évolue. Nous serons fixés très rapidement.

Une structure inédite

Sans véritable équivalent ailleurs, le Comité d’études et de services des assureurs maritimes et transports (Cesam) tire ses origines des plis de l’Histoire. Inspirée par Colbert, instituée officiellement à Paris en 1668 par un édit royal, il a connu diverses appellations avant de devenir dans une période plus contemporaine le Comité central des assureurs maritimes de France puis le Cesam. L’organisme a été créer pour permettre à la filière de se structurer, traiter des problèmes communs, codifier des pratiques, organiser les marchés et partager les risques. Il est aujourd’hui un groupement d’intérêt économique (GIE) composé de 27 sociétés d’assurance françaises et étrangères de la branche « Maritime et Transports » opérant en France. Soit 90 % du marché. Ils étaient 170 il y a trois décennies…

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