Comment s’explique le premier recul de la croisière à Marseille?
Il y a une désaffection sur la Méditerranée depuis deux ou trois ans. Marseille ne l’avait pas encore senti car nous sommes en rattrapage de 40 ans de retard mais les deux premiers, Barcelone et Rome, stagnent depuis quelques années. Les principales raisons sont les attentats et l’absence de la Tunisie et de la Turquie, qui représentait 500 escales par an.
Chez nous, entre la disparition de Croisières de France qui apportait 100 000 passagers et le départ des compagnies américaines – Norwegian Cruise Line avec son Norwegian-Epic (25 à 30 escales en moins) et Carnival Cruise Line avec son Carnival-Horizon –, nous avons perdu au total 300 000 passagers d’un coup. Mais cela a été compensé par nos partenaires Costa et MSC.
La croisière est donc un secteur volatil?
Les compagnies ont une obsession: mettre leurs bateaux là où est le marché. Elles conçoivent leurs itinéraires au dernier moment. L’an dernier, Carnival a misé sur l’Océanie. L’Europe du Nord se développe, les tours du monde aussi. Mais la Méditerranée se rattrape, ça devrait remonter cette année.
Les périodes hautes en Méditerranée sont avant et après l’été. Ce qui fait fuir les navires l’hiver, ce n’est pas la température mais les conditions de mer. MSC nous a laissé ses bateaux de la série des 330 m l’hiver dernier. Nous devons être capables d’accueillir les grandes compagnies européennes et américaines toute l’année. Nous visons 2 millions de passagers en 2020 et 2,5 millions en 2025, avec un grand bond en 2019.
Marseille a de nouveaux arguments dans ce contexte concurrentiel…
La remise en service de la forme 10 est un atout supplémentaire pour le GPMM. Ce pôle a désormais une résonance mondiale. Peu de ports offrent sur le même site l’exploitation des navires, la capacité d’accueil des passagers et la réparation. La forme 10 était l’une des briques essentielles avec les travaux de la passe Nord. C’est peut-être le dernier élément qu’il manquait pour préparer la décennie record qui s’annonce.
Mais, pour nous, rien n’est gagné, la concurrence est énorme. Nous devons convaincre les opérateurs de venir et les populations de l’intérêt d’accueillir des paquebots. Nous devons aussi travailler pour limiter les nuisances.
Cette pollution induite fait débat à Marseille et ailleurs…
Les paquebots sont sous les feux de la rampe alors que ce sont les navires les plus modernes et les plus vertueux. En cinq ans, les grandes compagnies ont abaissé de 25 % leur consommation unitaire alors que la puissance des moteurs a augmenté. La quasi-totalité d’entre eux sont équipés de moteurs auxiliaires électriques pour aider à la propulsion. À quai, sans nier l’existence d’une pollution, ils utilisent pratiquement le même gasoil que les voitures, à 0,1 % de soufre. Leurs émissions dans cette phase équivalent à celles de 125 voitures ou 25 camions. De plus, 40 % d’entre eux sont équipés de scrubbers. Et puis on parle de 315 paquebots sur 50 000 bateaux dans le monde.
Le problème est prégnant à Marseille car les navires sont dans la ville. Nous étudions toutes les solutions, dont le branchement à quai et les scrubbers mobiles. Il y a 16 paquebots au GNL officiellement en commande plus un à l’hydrogène, de la compagnie Viking attendu pour 2021. En 2019, Marseille recevra son premier navire au gaz.
Pourquoi attendez-vous une décennie record?
La centaine de paquebots de dernière génération en commande présage une explosion du marché, pas en nombre de navires, qui va passer de 310-315 à 360 avec le retrait des plus anciens, mais en capacité, avec un doublement du nombre de lits. L’abaissement à 0,5 % de la teneur en soufre maximale des combustibles maritimes en 2020 va accélérer la disparition de vieux paquebots qui ont aussi des coûts d’exploitation plus élevés.