« Laissez-moi vous dire une fois pour toute: nous ne sommes pas des commerçants naïfs. L’Europe doit toujours défendre ses intérêts stratégiques. Nous proposons un nouveau cadre européen pour analyser et sélectionner les investissements. Si une société étrangère, dont le capital est détenu à majorité par un État, souhaite entrer au capital d’un port européen, d’une infrastructure énergétique ou d’une société détenant une technologie pour la défense, cela doit se faire en toute transparence, avec un débat et après un examen approfondi », a déclaré Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, le 13 septembre 2017 lors de son discours sur l’Union. Pour justifier de cette politique, quelque peu protectionniste, la Commission européenne souligne que l’UE reste encore aujourd’hui la première terre d’investissements étranger avec 5 700 Md€ en 2015. Par comparaison, la Chine représente 1 500 Md€. Au cours des deux dernières décennies, les investisseurs traditionnels en Europe ont changé. Les États-Unis, la Suisse et le Japon voient leur proportion des investissements se réduire quand la Chine, le Brésil et la Russie deviennent de nouveaux acteurs. « L’Europe veut rester une terre d’accueil pour les investissements directs étrangers. Cependant, dans certains cas, ces investissements peuvent devenir problématiques, notamment quand des investisseurs étrangers cherchent à acquérir ou prendre le contrôle de biens européens sur des technologies de pointe, des infrastructures ou des informations sensibles ». Des pays, à l’instar de la France, disposent d’ores et déjà de mécanismes pour surveiller les investissements étrangers sur son territoire mais sans qu’ils soient harmonisés. L’Europe veut alors créer un cadre qui soit transparent et qui prévoit la sauvegarde des intérêts européens.
Face à ce projet, l’Espo a répondu le 18 janvier aux volontés de la Commission. Dans sa réponse, l’organisation européenne des autorités portuaires accueille favorablement ce système de sélection et d’analyse des investissements étrangers, « sans qu’aucun État membre ne doive seul assumer une telle fonction ». L’Espo met un bémol à ce système. « Il faut que ce système soit prévu sans qu’il mette en péril par des actions ou une image négative les investissements dont ont bénéficié les ports européens », continue le texte de l’Espo. Elle demande que les critères d’analyse soient clairement établis pour éviter de décourager les investisseurs étrangers. L’Espo demande aussi que la réciprocité devienne la pierre angulaire de ce nouveau cadre.
Représentant les opérateurs privés de terminaux, la Feport a aussi souhaité réagir à cette proposition de texte de la Commission européenne. Reconnaissant que ce système d’analyse des investissements directs par des sociétés étrangères pourra permettre d’avoir un cadre unique et européen, la Feport souhaite que cette directive soit applicable dans tous les États membres et prévalent sur les critères édictés par les législations nationales. La Feport demande que les critères qui seront mis en place le soient en toute transparence. Elle rappelle, en outre, qu’il faut prévoir dans ce texte l’analyse de la réciprocité avec la nationalité de la société qui souhaite investir et, en l’absence, de tenter d’améliorer les conditions de réciprocité. Ensuite, la Feport va au-delà et s’interroge sur les investissements étrangers dans les pays limitrophes de l’Union sur les infrastructures et les impacts qu’ils peuvent avoir sur le territoire européen. Enfin, dans sa réponse, la Feport indique qu’il faudrait revoir les conditions de fusion/acquisition des sociétés européennes par des sociétés étrangères et ce dans le cadre de ce système d’analyse des investissements étrangers.
Accélérer l’ouverture du rail
Le 23 janvier, Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France s’est dit favorable à une accélération de l’ouverture de la concurrence du transport ferroviaire. « J’ai la sensation de me faire rouler dans la farine » par la SNCF, a indiqué le président de la région. Et il enfonce le clou. « Les régions, comme les usagers, sont entre les mains de la SNCF du fait du monopole (…) ce qui se traduit par une absence totale de transparence ». Xavier Bertrand assure que la région Hauts-de-France sera prête pour l’ouverture du ferroviaire à la concurrence dès 2021. L’accord européen prévoyait une ouverture à partir de 2019 avec une obligation de rendre cette ouverture systématique en 2023. Cette intervention a été faite par rapport aux lignes passagers mais avec en filigrane l’ouverture de la concurrence sur le fret ferroviaire.
9 %
Selon les données recueillies par Olaf Merk, de l’ITF, les sociétés chinoises contrôlent 9 % du trafic conteneurisé européen. Et la réciprocité n’est pas de mise puisque aucune société européenne ne détient la majorité des parts dans un opérateur de terminal en Chine. Un tableau qui démontre qu’aux États-Unis, les terminaux sont détenus par des sociétés nationales, même si, parfois, ces sociétés sont en bout de chaîne des filiales éloignées de groupes étrangers comme DP World.