Les vracs solides se répartissent en deux catégories. D’une part, les principaux vracs qui regroupent le charbon, le minerais de fer ou les céréales. D’autre part, les « petits vracs » qui sont surtout des trafics de niche ou ceux liés au BTP.
Globalement en Europe, il est difficile de tirer un enseignement continental de ces vracs. Les vracs liés à l’alimentation, qu’il s’agisse de céréales mais aussi d’alimentation animale ou d’autres trafics, ont enregistré globalement des baisses. Cela s’est surtout fait ressentir en fonction de la campagne céréalière. La récolte, en France, des céréales en 2016 a été particulièrement désastreuse. Il s’en est suivi une campagne d’exportation tout aussi difficile. Les grands ports céréaliers hexagonaux, Haropa-Port de Rouen, La Rochelle, Bordeaux, Dunkerque, Nantes-Saint-Nazaire, Sète et Marseille-Fos, ont subi de plein fouet ce secteur. Une année qui peut se diviser en deux. Sur le premier semestre, ce sont les scories de la campagne céréalière précédente qui ont marqué la baisse de trafic. Les choses se sont particulièrement remarquées sur le site rouennais de Haropa qui a affiché une baisse de 49 % de son trafic céréalier à fin juin. Sur le second semestre, si la récolte 2017 a été de meilleure qualité, la concurrence avec les sorties de céréales de la mer Noire a bloqué les produits français dans les silos des récoltants. Face à des tarifs allant parfois jusqu’à 15 $/t en faveur des produits d’origine de la mer Noire, les céréaliers français ont souhaité attendre de meilleurs prix pour mettre sur le marché de l’exportation leurs blé et autres graines. Les exportations de céréales affichent des baisses parfois à deux chiffres. En effet, Haropa termine 2017 avec une chute de 18 %. Le Grand Port maritime de Dunkerque voit ses exportations perdre 63 % à 950 000 t. Marseille-Fos décroît de 41 % à 400 000 t. À La Rochelle, le trafic des céréales s’est dégradé de 15 % à 3,2 Mt. Quant au port de Caen, membre de Ports Normands Associés, il a chuté de 35 % à 235 681 t. Enfin, à Bayonne, la baisse du trafic de maïs a marqué le trafic annuel. Cependant, la direction du port analyse la situation sur le plus long terme et juge que la situation est revenue à la normale après une année 2016 exceptionnelle. La fermeture pendant un trimestre de l’usine d’Abengoa et les conséquences de la grippe aviaire ont pesé en 2017.
Les importations céréalières à l’honneur
Des chiffres qui ne sont pas propres à la France. Ainsi, Hambourg voit aussi son trafic d’exportation perdre 21,8 % à 3,4 Mt, tout comme les imports qui diminuent de 5,6 % à 4 Mt. L’autre grand port de vracs solides en Europe du Nord est celui de Gand. Depuis le 7 décembre, Gand, Terneuzen et Flessingue, principalement, ont décidé d’unir leur sort au sein de la structure North Sea Ports. En 2017, ce nouvel ensemble portuaire a totalisé 66,6 Mt dont 47 % dans les vracs solides. Sans donner un détail précis des différents trafics, la direction du cluster portuaire belge affiche des records dans de nombreuses filières dont les céréales et les minerais. Face à ce déficit de céréales de qualité, ce sont les importations de produits qui ont été à l’honneur cette année. Ainsi, à Dunkerque, les importations ont engrangé 350 000 t de céréales, soit une hausse de 31 % par rapport à 2016. Et comme pour faire mentir, les exportations de Rotterdam affichent une progression de 6,6 % de ses trafics agricoles à 11,1 Mt. Autre port à tirer son épingle du jeu, celui de Sète. Si le trafic n’est en rien comparable à ses concurrents français, le port du Languedoc a vu ses trafics céréaliers progresser de 21 % et les graines oléagineuses de 16,3 %.
Dans le droit fil de cette campagne céréalière, l’agro-industrie a parfois aussi été touchée. La mauvaise qualité des céréales françaises a pesé sur les exportations de Haropa. Une baisse de trafic que l’autorité portuaire attribue également à l’arrêt technique de l’usine de Tereos. Le malt a suivi la tendance mais pour d’autres raisons. Les circuits logistiques de ce produit se dirigent de plus en plus vers la conteneurisation plutôt que le vrac. L’alimentation animale a pour sa part été sur une tendance de hausse dans les différents ports. Dans le Grand Port maritime de Nantes-Saint-Nazaire, le trafic lié à l’alimentation animale a augmenté de 9 %. Le port a su se placer sur ce trafic et est devenu en quelques années la principale porte d’entrée de ce flux avec 50 % du trafic français. Une hausse qui se fait un peu au détriment de son voisin, Lorient. En effet, le port du Morbihan enregistre une baisse de 8,4 % de ce trafic. Une chute que la direction juge structurelle. Elle a décidé de réunir la filière locale afin d’envisager un avenir pour les capacités de stockage du port. À Brest, la cession de l’usine de trituration de Cargill à Bunge a marqué le pas sur le trafic. Dans le cadre de cette cession, l’usine s’est vue arrêtée pendant quatre semaines et a expliqué la perte de plus de 250 000 t sur les quais. En outre, parce qu’un malheur n’arrive jamais seul, les approvisionnements de cette usine se sont faits principalement depuis les producteurs bretons, réduisant ainsi fortement le trafic maritime de ces produits.
Le charbon à la peine
Les autres principaux trafics des grands vracs se composent des minerais et du charbon. Là encore, la situation a divergé entre les différents ports européens. Le charbon a été un frein aux progressions globales de trafic dans les ports du Nord de l’Europe. Rotterdam a vu son trafic se réduire en raison de la fermeture de six centrales thermiques aux Pays-Bas et en Allemagne, que le port approvisionnait. Les autres centrales ont réduit leur consommation de charbon et, au global, le port néerlandais perd une grande partie de ses trafics. Amsterdam s’affiche dans la même tendance avec une diminution de 3 % de son trafic. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, Anvers voit son trafic de charbon se réduire fortement et perdre 54 % de son volume en 2017. Des pertes qui ne sont pas généralisées puisque les trafics de charbon de Hambourg sont en forte hausse (+ 5,7 % à 7,8 Mt) et à Dunkerque aussi. La même chose s’est produite dans le Grand Port maritime de Nantes-Saint-Nazaire qui voit ses trafics de charbon exploser en 2017 à 1,8 Mt. Après une année 2016 marquée par des arrêts sur la centrale de Cordemais, le trafic a repris en 2017 et dépasse même celui de 2015. Dans les ports de Sète et Bilbao, le charbon reprend des couleurs. Le Grand Port maritime de Bordeaux est pour sa part dans une situation plus difficile. La restructuration des cimenteries de la région a incité les industriels à se détourner du charbon et du coke pour alimenter les unités de production par des produits plus écologiques. Le résultat est sans appel et le trafic de charbon a fortement baissé en Gironde.
Les minerais ont pour leur part connu une année 2017 positive. Les trafics sont globalement en hausse dans les différents ports en raison de la reprise de l’activité sidérurgique en Europe. À Hambourg, la hausse de ce trafic entre pour 6,8 % à 10,1 Mt. À Dunkerque, le fonctionnement à plein régime de l’usine d’ArcelorMittal a dynamisé ces flux. De plus, les transbordements réalisés sur le QPO (Quai à Pondéreux Ouest) ont permis de compenser les pertes sur les trafics céréaliers. Le Grand Port maritime de Marseille-Fos a connu la même situation. Les trafics liés à la sidérurgie ont permis au port de compenser les pertes sur les trafics céréaliers. Le port phocéen enregistre une croissance de 11 % de son trafic lié à la sidérurgie.
La reprise du BTP
En marge de ces trafics, les ports accueillent aussi de nombreux vracs de moindre importance mais qui, au fil des ans, pèsent comme des éléments de diversification. Dans un premier temps, il s’agit des matériaux liés à la construction. Le retour de la croissance économique porte avec elle le retour d’une activité dans le BTP. Cette augmentation de ces flux se matérialise sur les trafics de sables et graviers et de ciment. À Lorient, la bonne tenue du BTP s’est aussitôt marquée sur les trafics de matériaux de construction qui ont progressé de 11,2 % et de sable. Que ce soit à Nantes-Saint-Nazaire, Amsterdam ou La Rochelle, le même constat se fait. Le ciment a même doublé à Brest à plus de 70 000 t. La reprise de l’activité du BTP ne se fait pas encore sentir au niveau national. Les deux ports de PNA, Caen et Cherbourg, ont vu leur trafic de matériaux de construction baisser, tout comme le Grand Port maritime de Bordeaux. Au sud, à Marseille-Fos, la diversification sur les terminaux de Caronte et de Carfos amène de nouveaux trafics de produits liés à la construction. Du clincker, de la chaux, des laitiers entrent dans le port et représentent désormais de nouveaux flux que le port souhaite consolider dans les prochaines années.
Dans cette catégorie des vracs solides, se retrouve un élément qui devrait se développer dans les prochaines années. Les trafics de ferrailles se développent dans de nombreux établissements. L’implantation des sociétés Derichebourg et GDE dans les ports s’inscrit aussi dans une stratégie d’économie circulaire dans les ports. Dans le Grand Port maritime de Bordeaux, les installations de Derichebourg ont tourné à plein régime en 2017, dopant ainsi le trafic de ferrailles. Le site des deux sociétés sur les quais ligériens a profité au port avec une hausse de 21 % de ce trafic. À Bayonne, le trafic accuse un léger repli des importations de ferraille. L’aciérie de Celsa a perdu sur l’import de ferrailles mais augmente sur les exportations de billettes et de fil machine. L’aciériste prévoit de construire deux laminoirs à chaud. Un investissement qui bénéficiera aux imports de matières premières qui devraient atteindre, à terme, 300 000 t. Un trafic de ferrailles qui est aussi en bonne voie sur le port de Brest avec 166 733 t.