Le transport maritime, les activités portuaires et le droit souple

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À côté du droit « dur », la doctrine a identifié le droit « souple » comprenant le droit « flou » qui est souple dans son contenu, le droit « doux » qui ne comporte pas d’obligation, et le droit « mou » qui n’implique pas de sanction.

À l’origine, le droit souple émanait du droit international et du droit public, il s’est étendu au droit privé. Le caractère international du transport maritime et la nature du droit portuaire ont suscité le recours au droit souple afin de contribuer à la sécurité juridique de ces activités.

Le transport maritime et la complémentarité du droit souple

Le désordre résultant de l’ambiguïté de certains textes et de l’inflation normative a nécessité la recherche d’une cohérence et d’une logique juridiques. Le droit souple a pour objectif de répondre à cette préoccupation.

En matière de transport maritime de marchandises, le texte fondamental est la convention de Bruxelles de 1924. Ce texte régit l’essentiel des transports maritimes de marchandises dans le monde. Il ne constitue pas un droit souple, puisque la convention s’applique lorsque les critères de rattachement sont réunis. Cependant le contrat de transport par mer est un contrat consensuel: la seule volonté des parties le forme. Émettre un contrat écrit est une alternative laissée à la volonté du seul chargeur. Il s’agit d’une faculté mais pas d’un droit souple.

Des organismes non gouvernementaux, comme la Chambre de commerce internationale, peuvent émettre des recommandations ou émettre des clauses type, c’est le cas des Incoterms pour les contrats de vente internationaux de marchandises transportées par voie maritime. Les parties au contrat y ont recours et ces clauses prennent la valeur d’un engagement contractuel, cependant elles peuvent d’un commun accord y déroger librement.

À propos d’affrètement de navires ou de connaissements, des organismes privés, comme le Bimco (Baltic and International Maritime Council), proposent des contrats et des clauses type que les parties sont libres d’utiliser et/ou d’amender selon leurs besoins et volontés.

Toujours en matière de transport maritime, la Cour de justice a jugé que le code de conduite des conférences maritimes pouvait constituer une source de droit. Son organisation relève du droit souple mais sa mise en place constitue un droit dur.

Parmi les exemples résultant du droit de l’Union européenne, les lignes directrices contenues dans les communications de la Commission ne lient pas la Cour.

Le transport maritime connaît la pratique des mémorandums d’entente ou « memorandum of understanding » dont le plus connu est celui de Paris sur le contrôle des navires par l’État du port du 26 janvier 1982.

La jurisprudence de l’Union européenne considère tantôt que le mémorandum d’entente constitue un accord-cadre, tantôt une déclaration d’intention, laquelle « ne saurait constituer une décision de nature à faire l’objet d’un recours en annulation ». Pour la Cour de cassation, une simple déclaration d’intention est « dépourvue d’effet juridique ».

Les activités portuaires et le droit souple

Les avis du Conseil d’État rendus à la demande d’un département ministériel n’ont aucune valeur normative, ils ne font pas grief. Ils peuvent néanmoins influencer la jurisprudence. C’est le cas de l’avis du Conseil d’État du 14 avril 2009 considérant que la manutention portuaire ne constitue pas une mission de service public. Pour la Cour de justice, cette activité ne constitue pas un service d’intérêt économique général.

Les dispositions formulées en termes généraux dans une loi sont assimilables à une simple déclaration d’intention dépourvue d’effet juridique. C’est le cas de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement fixant des objectifs en matière d’infrastructures portuaires.

Diverses instructions ministérielles concernant des opérations portuaires ont été publiées. Quelle est leur portée juridique? Les avis et recommandations adoptés par les autorités de régulation dans l’exercice des missions peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir lorsqu’ils revêtent le caractère de dispositions générales et impératives.

Les livres verts et blancs de la Commission européenne n’ont pas d’effets contraignants pour les États membres et a fortiori pour les citoyens. Le livre vert offre un éventail d’idées dans le but de lancer une consultation et un débat sur un thème précis.

Les entreprises du secteur privé proposent parfois aux entités publiques des instruments de coopération, c’est le cas des mémorandums d’entente proposés par des armements à des établissements portuaires définissant les objectifs des transporteurs maritimes et les actions à mener par les autorités portuaires pour les satisfaire.

Le contenu d’un « mémorandum d’entente » ou « protocole d’accord » peut lui conférer une portée dépassant la simple déclaration d’intention. En principe, une telle prise de position ne crée pas de droits ou d’obligations, dans le cas contraire il s’agirait d’un véritable contrat.

Pour le président de la section du rapport et des études du Conseil d’État: « Le droit souple lisse les choses et accroît la prévisibilité et la sécurité juridiques », mais le refus d’y recourir n’est pas illégal. Il ne saurait porter atteinte aux libertés et droits fondamentaux, ni aux règles internationales.

La clarté de la loi constitue la principale protection contre l’insécurité juridique, mais le droit « souple » a vocation à la compléter s’il se démarque sans ambiguïté du droit « dur ». Le transport maritime et les activités portuaires comportent des enjeux financiers et sociaux importants qui s’accommodent mal du pouvoir discrétionnaire administratif ou judiciaire.

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