À la recherche de la mer perdue

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La politique maritime se résume malheureusement en France à une succession de stratégies qui, sans manquer d’ambitions, manque de constance. La mer est éternellement redécouverte à tel point que ces errements ont même pu faire dire que, de la deuxième puissance maritime mondiale, nous sommes devenus la « deuxième impuissance maritime mondiale ».

La mer est une politique publique en construction mais elle est exigeante. Elle ne souffre plus qu’on rappelle les 11 millions de km2 de responsabilité que recouvre la présence maritime nationale. Elle suppose maintenant que les hommes et les femmes qui contribuent à la structurer partagent le même dessein et, à ce titre, il ne saurait fluctuer. Il ne peut donc être question de se résoudre à cette incongruité du rapport inversement proportionnel entre l’implication des pouvoirs publics dans la question maritime et la réalité économique du secteur, rappelée chaque été par un journaliste spécialiste d’une matière – transport, énergie, tourisme, environnement, outre-mer… – qui toucherait à la question maritime, ou d’un politique en campagne qui pense être le premier à insister sur l’importance que devrait avoir la mer dans notre pays.

Son importance est économique. Le Cluster maritime français a réussi sa grande œuvre, affranchissant les gouvernements successifs, depuis sa création en 2006, des possibilités immenses offertes par notre ouverture vers le monde grâce à la mer. Les champions nationaux sont partout, dans la marine marchande, dans une pêche durable et responsable, dans la construction navale, dans les extractions de minerais, dans les énergies marines, renouvelables ou non, dans l’environnement, dans la santé, dans le tourisme. Personne ne le sait mais la mer représente pour la France un avantage comparatif évident et ses outre-mer en sont l’avant-garde.

Les pouvoirs publics continuent à considérer la mer comme une réalité inertielle, appliquant à ce qui devrait être considéré comme un territoire, des recettes anciennes. La mer n’est considérée qu’au prisme des politiques sectorielles qui se sont construites dans le temps. C’est un peu comme si on niait le concept d’aménagement du territoire, pour lui préférer une présence sectorielle dans chacune des politiques publiques qui le concerne. Sans adossement à une politique publique d’envergure, la question maritime sera partagée par son petit nombre de promoteurs alors que son but est précisément de rassembler. À ceux qui veulent un État fort qui puisse, sans négliger leur autonomie constitutionnelle, fédérer jusqu’aux velléités territoriales, il faut proposer la mer pour poursuivre le rassemblement, des régions aux services centraux des ministères, des acteurs privés à ceux qui ne pensent qu’au public.

Le fait que la marine marchande d’aujourd’hui ne soit plus celle qui a justifié l’existence entre 1929 et 1958 d’un ministère dédié ne constitue pas une raison valable pour que la mer soit aussi peu identifiée actuellement. Elle ne peut se placer sous la seule bannière environnementale. Quoique l’ambition soit partagée, grâce notamment à l’implication de la France dans la communauté internationale et au formidable élan permis par la Charte de l’environnement; une seule orientation environnementale, politique publique dont la création n’est pas si lointaine et qui a certainement mis autant de temps à émerger, constitue un symbole anxiogène, alors même que la considération est partagée. En réalité, la mer doit exister comme un territoire au service de tous les intérêts amalgamant l’ensemble de vertus qu’on sait lui prêter ponctuellement.

À ce titre, le rassemblement permis par la création du Comité France maritime est appréciable, le nouveau positionnement du secrétariat général de la Mer profondément novateur, car il favorise la confrontation, la discussion entre les acteurs de la mer, sans autre prisme que celui de l’intérêt partagé pour ce gisement d’emplois, de ressources de perspectives et d’ambition qu’est la mer. Il ne s’agit nullement d’un débat de spécialistes, il s’agit de mettre la question maritime au même plan que celle de l’aménagement du territoire: c’est une nécessité, pour se donner un but, une ambition commune, à laquelle la France et les acteurs maritimes qu’elle compte puissent s’unir pour enfin assumer le grand dessein national.

Les initiatives récentes du gouvernement, portées par la ministre des Outre-Mer, Annick Girardin, grande spécialiste du maritime, illustrent très certainement une possible voie de recoupement. Enfin les Outre-Mer sont considérés comme une question particulière à prendre dans son ensemble. C’est l’un des apprentissages de la mandature précédente. Le règlement des problèmes sur le fond ne peut s’entendre, in fine, que territorialement. De là à évoquer la perspective d’un ministère de la Mer et des Outre-Mer, il n’y a qu’un pas, mais le débat sur le ministère est en réalité très symbolique.

En effet, le fait maritime suppose de rassembler dans le temps long, de donner un caractère atemporel à une ambition proche de sa consolidation. La loi économie bleue constituait une première esquisse de cet ensemble, l’activité du Comité France maritime qui doit rassembler la volonté d’un État historiquement protéiforme sur la question maritime, d’autant qu’il est aujourd’hui challengé par les régions maritimes, et des acteurs de l’économie maritime dont la fédération, n’est pas chose aisée au quotidien, une preuve importante, la valorisation de l’action des élus du littoral, et leur présence à la conférence nationale des territoires, une illustration utile également; demain, peut-être, le Code de la mer, prévu par l’article 96 de la loi précitée, viendra-t-il renforcer ces prémices, ce que la France ne peut manquer, une direction cardinale, un grand plan pour la mer.

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