Avec l’extension de la zone Seca à la Méditerranée à l’horizon 2020 et la pression croissante des populations, les armateurs devront très vite trouver de nouvelles solutions pour remplacer le fuel lourd. Aux Terrasses du port, les Marseillais sont aux premières loges quand les ferries en partance pour la Corse crachent leurs fumées noires. Depuis 2015, l’association France Nature Environnement dénonce la pollution de l’air des paquebots. Une nouvelle campagne de mesures s’est déroulée cet été. « En Méditerranée, tout est parti de la société civile avec une prise de parole unifiée. Tous les acteurs prennent conscience qu’il faut bouger. Les solutions dépendent à la fois de la faisabilité technique et du niveau de pression. Marseille s’interroge sur la filière GNL et a également déployé du courant de quai. À Marseille et Nice, la situation n’est pas bonne. Près du port de Marseille, 300 000 personnes vivent dans une zone où les normes européennes fixées en 2005 ne sont pas respectées », constate Dominique Robin, directeur d’Air Paca, chargé de surveiller la qualité de l’air. Et si les « industriels du pour tour de l’Étang de Berre ont effectué un travail inouï pour améliorer la qualité de l’air », il note un certain immobilisme dans les transports.
Impossible de reculer face aux échéances européennes de Global Cap 2020 et au taux de 0,5 % de soufre (contre 3,5 % actuellement). Autour de la table le 4 septembre, Corsica Linea, Marfret, la Compagnie du Ponant, le pilotage de Marseille-Fos… Tous se disent qu’il faut désormais faire des choix et passer à l’action, mais opter pour un type de propulsion n’est pas une mince affaire. Les investissements sont colossaux et les décisions d’investissement se font pour 25 voire 30 ans. « Nous proposons d’accompagner les clients dans leurs choix pour passer Global Cap. Certaines raffineries seront en mesure de produire du fuel avec un taux de soufre à 0,5 %. Avec du fuel à 3,5 % les scrubbers sont installés sur des navires bien souvent lors d’un retrofit », explique Pierre-Jean Bernardi, chargé du marketing au sein de Total Marine Fuels. Le 23 août, le Wes-Ameli, porte-conteneurs de 1 000 EVP, a été converti aux chantiers de Bremerhaven au LNG. Ainsi, Reederei est la première compagnie au monde à exploiter un porte-conteneurs au GNL. CMA CGM a passé un accord fin 2016 avec Engie dans l’optique d’introduire du GNL dans sa flotte. C’est avec du retard sur les ports nord-européens en zone Seca (Pays-Bas, Allemagne) que les acteurs français de la filière GNL se sont fédérés en avril en créant une plate-forme destinée à promouvoir et développer l’usage du gaz naturel liquéfié comme carburant pour le maritime et le fluvial.
Ce gaz, bien plus vertueux que le heavy fuel oil, semble être voué à un bel avenir. Pas d’émission d’azote, ni de soufre ni de particules fines et une réduction de 25 % des émissions de CO2. Lignes courtes, longues, type de navire, selon Pierre-Jean Bernardi, le choix du type de propulsion se fait au cas par cas. « Les utilisateurs doivent trouver un juste équilibre entre les coûts, l’effet marketing et la réalité », précise-t-il.
Actuellement, sur les 50 000 navires de commerce en circulation, seulement 99 sont équipés d’une propulsion au GNL (remorqueurs, ferries, paquebots). Tous sont avitaillés par camion à l’exception du paquebot Viking-Grace, alimenté depuis la mer à Helsinki par le Seagas, premier avitailleur au monde. Par ailleurs, 96 navires au gaz naturel sont en commande.
En France, Brittany Ferry a ouvert le feu le 10 juillet en signant un contrat pour la construction d’un premier ferry au GNL. À sa livraison en 2019, le ferry Honfleur sera approvisionné par la terre en gaz et non par la mer. « La fourniture de GNL se fera en isoconteneurs depuis Dunkerque vers le port de Ouistreham. Il n’y aura pas de stockage dans les ports », explique Pierre-Jean Bernardi. Ce navire de 1 680 passagers reliera Ouistreham à Portsmouth.
Engie-Zeebrugge, premier avitailleur au GNL
« Des projets sont à l’étude pour la propulsion de car-carriers et de pétroliers au GNL », explique Jean-Charles Dupire, p.-d.g. de Gazocean. Fédérés en juin 2014 au sein de la société Gas-4Sea, les groupes Engie, Mistubishi Corporation et NYK Line ont signé un contrat portant sur la construction dans un chantier coréen d’un premier ravitailleur au gaz. « Livré en février 2017 à Zeebrugge, le Engie-Zeebrugge ravitaille deux navires rouliers. Nous apportons un véritable service au client en mettant les cuves sous gaz en froid. Il s’agit du premier navire souteur au monde. Il a été livré avant celui de Shell », ajoute Jean-Charles Dupire. Le coût de construction de ce prototype est tout de même six fois supérieur à un remorqueur classique.
Le groupe pétrolier Shell a passé commande d’un navire ravitailleur de 3 000 m3. Livré en 2019, il sera opéré par CFT. Cependant, si à l’achat la molécule de gaz naturel s’avère moins chère que le gazole, son prix grimpe en y associant l’ensemble des coûts logistiques. « Il va y avoir des changements dans les habitudes de soutage, prévient Jean-Pierre Bernardy. Sur le leg Asie-Méditerranée, les acheteurs feront jouer la concurrence entre Marseille, Gênes et Valence. Il faut trouver l’équilibre économique. »