« Avec le Brexit, il faut être créatif car c’est une situation inédite. Il faut donner la priorité au renforcement de la compétitivité du secteur du transport maritime. L’un des objectifs est d’éviter toute distorsion de concurrence. L’accompagnement des entreprises par l’administration sur le Brexit est nécessaire », a détaillé Blandine Huchet, responsable des Affaires européennes chez Armateurs de France. Elle a rappelé que du côté britannique, « la priorité du gouvernement est d’obtenir le meilleur deal économique ».
Le transport maritime post-Brexit risque d’être affecté dans plusieurs domaines, selon Armateurs de France. Il y a la question des lignes directrices sur les aides d’État, particulièrement pertinentes dans les secteurs de l’aviation et du maritime. Elles autorisent les États-membres à octroyer des aides aux entreprises maritimes afin d’améliorer leur compétitivité par rapport aux entreprises non européennes, sous réserve du respect de conditions qui empêchent les distorsions de concurrence intracommunautaires. Une fois en dehors de l’UE, le Royaume-Uni (RU) pourra octroyer des subventions à sa seule discrétion, conformément à son propre droit de la concurrence. La limite du RU sera toutefois ici d’ordre budgétaire, a relevé Thierry Coquil, directeur des Affaires maritimes.
Fiscalité et liberté des échanges
Il y a la question de la fiscalité qui est une compétence nationale, ainsi la taxe au tonnage du RU ne sera pas affectée. Elle pourra cependant être mise en œuvre dans des conditions plus avantageuses, puisque le gouvernement britannique ne sera plus tenu de respecter les règles européennes relatives aux aides d’État.
Il y a la question de la liberté des échanges. Les navires sous pavillon britannique pourraient perdre leurs droits de cabotage au sein des États-membres qui maintiennent des restrictions de pavillon pour le cabotage dans leurs eaux. A contrario, le RU pourrait décider de restreindre l’accès à son marché domestique. Il y a la question des conventions internationales en cours d’implémentation dans la législation européenne, notamment celle de Hong Kong et celle sur les émissions de navires et pour lesquelles l’UE pourrait prendre des mesures plus contraignantes que les textes internationaux. Les navires et compagnies opérant dans les eaux européennes devront se conformer aux règles de l’UE, quelle que soit la nationalité de leur pavillon ou propriétaire. De son côté, le Royaume-Uni pourrait adopter des mesures plus souples en s’en tenant aux textes des conventions internationales.
Sur les aspects sociaux, les craintes sont moindres car le transport maritime est fondé sur des règles du droit international comme les conventions de l’OMI et de l’OIT. Il ne faut toutefois pas oublier la reconnaissance nécessaire des brevets. Le Brexit fait craindre une possible restriction de la liberté de travailler au RU pour les ressortissants des États-membres de l’UE. Une telle restriction impacterait le secteur maritime britannique qui dépend beaucoup de cette main-d’œuvre. Ainsi, la UK Chamber of Shipping a souligné qu’il était impératif que les futures négociations prennent en compte le sort de ces travailleurs et que les futures procédures d’immigration ne dissuadent pas les citoyens européens de travailler dans le secteur maritime britannique.
Plus globalement, il faut noter la problématique de la main-d’œuvre dans le secteur de la logistique et de l’entreposage, qui est en grande partie une main-d’œuvre issue de l’immigration en provenance d’Europe de l’Est, par exemple pour les chauffeurs routiers. Les restrictions sur la libre circulation des personnes pourraient entraver l’embauche de cette main-d’œuvre. Selon le directeur d’Hapag-Lloyd UK, dans le sud-est de l’Angleterre, environ 40 % à 60 % des chauffeurs routiers ne sont pas des citoyens britanniques. Une pénurie de main-d’œuvre pourrait impacter sévèrement la fluidité de la chaîne logistique.