« C’est l’article 21-4 du décret du 17 juin 1938 modifié relatif à la réorganisation et à l’unification du régime d’assurance des marins qui définit sur le plan réglementaire la maladie professionnelle pour les gens de mer », indique Daniel Legeay, chef du service du contrôle médical de l’Enim. Cet article précise: « Est considérée comme ayant son origine dans un risque professionnel la maladie essentiellement et directement causée par l’exercice d’une activité entraînant affiliation au régime de Sécurité sociale des marins et provoquant soit le décès de la victime, soit une incapacité physique permanente. Sont également considérés comme ayant leur origine dans un risque professionnel l’invalidité ou le décès résultant d’une maladie qui n’a pas pu être traitée de façon appropriée à bord, en raison des conditions de navigation. » Il renvoie également à l’article L. 641-2 du code de la Sécurité sociale (régime général) et aux tableaux annexés pour la liste des maladies « présumées trouver leur origine dans un risque professionnel dès lors qu’est établi, après avis du conseil de santé du régime de Sécurité sociale des marins et des gens de mer, le lien avec l’exercice d’une activité entraînant affiliation au régime de Sécurité sociale des marins. Dans ce cas, les durées d’exposition au risque et les délais de prise en charge définis par ces tableaux s’appliquent au régime des marins ».
Un conseil de santé en cas de questionnement
« Trois catégories de maladies professionnelles peuvent concerner les marins », poursuit Daniel Legeay. La première concerne une maladie qui doit avoir un lien direct et principal avec l’exercice d’une activité entraînant affiliation au régime de Sécurité sociale des marins. Elle suppose que le marin a été exposé à un risque au cours de sa carrière professionnelle. La deuxième concerne les maladies en cours de navigation pour lesquelles le marin n’a pas pu recevoir les soins appropriés à bord. « Elles peuvent être prises en charge au titre de la maladie professionnelle, détaille Daniel Legeay, c’est une spécificité du régime des marins. » Mais seules les maladies ayant entraîné une incapacité physique permanente ou le décès du marin sont reconnues comme étant professionnelles. La troisième catégorie est celle des maladies figurant dans un des tableaux du code de la Sécurité sociale, et sont prises en charge dès lors que les conditions énumérées sont satisfaites.
L’une des conditions préalables dans la procédure de reconnaissance d’une maladie professionnelle est l’obligation d’affiliation à l’Enim de la victime lors de la constatation médicale du lien entre sa maladie, ou son décès, et son activité professionnelle. Le plus important est ensuite le certificat médical initial délivré par le médecin traitant informant le marin d’un lien possible entre la maladie et son activité professionnelle. Il appartient alors au marin ou à l’un de ses ayants droit de lancer la procédure de reconnaissance de maladie professionnelle auprès du Centre des pensions et archives (CPA) de l’Enim, situé à Paimpol, dans un délai de deux ans après la date d’établissement du certificat médical initial sous peine de forclusion.
« Toutes les demandes sont étudiées par l’Enim, déclare Daniel Legeay. Une fois le dossier complet reçu par l’Enim, nous disposons d’un délai de trois mois qui peut être prolongé de trois mois pour instruire la demande. » L’étude du dossier par l’Enim est fondée sur les tableaux annexés au code de la Sécurité sociale. Pour chaque pathologie, le tableau détaille les symptômes ou lésions que doit présenter la victime, le délai de prise en charge, les travaux susceptibles de provoquer l’affection en cause. Il peut parfois figurer une durée minimale d’exposition au risque. Il appartient au médecin du service du contrôle médical territorialement compétent d’émettre un avis sur le dossier.
« Si, lors de l’étude du dossier, un questionnement apparaît sur les travaux susceptibles de provoquer la maladie ou s’il s’agit d’une maladie non inscrite sur les tableaux du code de la Sécurité sociale, nous interrogeons systématiquement le conseil de santé », explique Daniel Legeay. Pour une maladie non mentionnée dans l’un des tableaux mais directement et essentiellement imputable à l’activité professionnelle habituelle de la victime, « le conseil de santé peut jouer le rôle du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) institué pour les salariés relevant du régime général », complète Philippe Hélaine, chef du département des études juridiques de l’Enim.
Ce conseil de santé est composé d’un président nommé par l’établissement national de la marine, du chef du service du contrôle médical de l’Enim, de plusieurs médecins dont deux du SSGM compétents en matière sociale et/ou maritime. Il se réunit tous les deux mois soit six fois par an. « Les délibérations sont secrètes, poursuit Daniel Legeay. L’avis du conseil de santé s’impose au service médical de l’Enim auquel il est transmis. Le service médical de l’Enim le transforme en avis médico-administratif et le transmet au CPA. »
Différentes pensions parfois non cumulables
Une fois la maladie professionnelle reconnue, l’étape suivante est la consolidation avec ou sans séquelle indemnisable ou non indemnisable. En cas de séquelle, le taux d’incapacité permanente (IPP) est évalué au regard des lésions mentionnées sur le certificat initial et sur le certificat final. Le médecin-conseil se forge son avis après avoir reçu le marin en rendez-vous. Pour les gens de mer, selon l’article 16 du décret du 17 juin 1938 modifié, une pension d’invalidité pour maladie professionnelle (PIMP) est versée à partir d’un taux d’IPP égal ou supérieur à 10.
D’après les textes, certaines pensions ne sont pas cumulables entre elles. Philippe Hélaine explique qu’une PRA n’est cumulable avec aucune autre indemnité, que ce soit une pension d’invalidité pour accident professionnel (PIA), une pension d’invalidité pour maladie (PIM) ou une PIMP. Toutefois, si le marin perçoit une PRA et, plus tard, est atteint d’une maladie professionnelle en lien avec l’amiante, en cas de perte de capacité de travail ouvrant droit à une PIMP, le décret du 4 février 2016 donne un droit d’option entre la PRA ou la PIMP au marin. « Nous avons demandé à tous les affiliés concernés de nous faire part de leur choix entre l’une ou l’autre », précise Philippe Hélaine. Celui-ci indique également: « Nous n’avons rien à opposer au versement de PRA qui est un droit ouvert par une inaptitude à la navigation proposé par le SSGM. Si l’inaptitude est totale et si le métier a été exercé pendant 15 ans, la PRA est un droit quel que soit l’âge du marin. » La moyenne d’âge des bénéficiaires d’une PRA est de 48 ans. Hors titulaires de PRA, à partir du moment où le marin a droit à une pension de retraite de l’assurance vieillesse, il peut la cumuler avec une PIMP liée à l’amiante ou avec une rente pour accident de travail s’il en percevait une avant son départ en retraite.
Daniel Legeay rappelle que l’Enim est au côté des marins. Le rôle du service médical de l’Enim est d’éclairer les gens de mer sur leur situation de santé, de les accompagner en cas de maladie professionnelle, d’accident de travail, de rechute. « Nous les aidons dans leurs droits, dans leurs démarches. Nous les soutenons et nous les informons. »