Le trafic conteneurisé vers l’Afrique reste encore dans les derniers rangs. Sur les 153,7 MEVP qui ont emprunté les grandes routes internationales, l’Afrique emporte une part peu importante du marché. Avec 8,9 MEVP, l’Afrique de l’Ouest et de l’Est pèse 5,7 % du trafic mondial conteneurisé global. Des flux qui se sont contractés en 2016 puisque les exportations africaines (nous entendons par là les pays de la zone sub-saharienne) ont vu leur volume perdre 1,2 % à 2,5 MEVP. Les importations ont suivi la tendance avec une baisse de 4 % à 6,3 MEVP.
Le trafic régional africain entre pour une portion infime des trafics conteneurisés mondiaux puisqu’ils représentent 0,3 % avec 179 000 EVP. Dernier trafic régional de la planète, l’Afrique sub-saharienne reste malgré tout la région qui a le plus progressé en 2016 avec une hausse de 11,8 %.
Une part infime des flux
Dans cette philharmonie de la conteneurisation, les flux entre l’Europe et l’Afrique, tels que publiés par Dynamar représentent une part encore plus infime. Au départ d’Europe vers l’Afrique subsaharienne, ce sont 2,03 MEVP qui ont été transportés en 2016, soit une baisse de 1,5 %. Sur les trois dernières années, indique Dynamar dans sa lettre hebdomadaire, les trafics en sortie d’Europe vers l’Afrique n’ont cessé de baisser. Entre 2014 et 2016, ces flux ont perdu 5,9 %, passant de 2,1 MEVP à 2,03 MEVP. Si dans le monde, l’Afrique pèse peu, elle représente pour l’Europe une destination d’importance puisque le continent noir pèse 10,5 %. Loin derrière les trafics vers l’Extrême Orient, l’Amérique du Nord et le Moyen-Orient, l’Afrique conserve encore des relations commerciales étroites avec l’Europe. Dans le sens inverse, en sortie d’Afrique vers l’Europe, les flux conteneurisés ont un poids encore plus réduit. Ils sont entrés pour 832 000 EVP en 2016, soit une diminution de 1,9 %. Sur le global des importations conteneurisées d’Europe, l’Afrique est à plusieurs longueurs derrière les autres continents avec 3,6 % de part de marché. Il faut souligner que l’Europe, comme de nombreux autres continents, a depuis plusieurs années tourné ses approvisionnements vers l’Asie.
L’Afrique reste un continent en devenir. Les principaux armements l’ont compris puisque la bagarre de la meilleure desserte se joue entre les grands. Maersk Line, CMA CGM, MSC mais aussi Evergreen, Cosco ou encore Hapag-Lloyd misent sur une prise de part de marché plus étoffée sur les liaisons Europe Afrique. Selon Dynamar, le premier armement en termes de capacité (à savoir uniquement les espaces conteneurisés sans prendre en compte les capacités en roro) à desservir l’Afrique de l’Ouest (sur le range entre la Mauritanie et l’Angola) au départ de l’Europe (sur le range de l’Allemagne au Portugal) est MSC. Avec deux départs par semaine et quatorze navires d’une capacité moyenne de 3 000 EVP, l’armement italo-suisse dispose d’une capacité annuelle de transport de 219 000 EVP. Le groupe CMA CGM se place en seconde position dans cette liste avec un service hebdomadaire doté de six navires pour une capacité moyenne des navires de 3 600 EVP et une offre de transport de 110 000 EVP par an. En troisième position, Nile Dutch offre un service avec sept navires d’une capacité moyenne de 3 600 EVP pour une offre annuelle de 104 000 EVP. Pour terminer le quarté de tête, Maersk Line aligne deux services avec dix navires de 2 400 EVP pour une offre de 103 000 EVP par an.
Capacité moyenne augmentée
Au global les huit premiers armements mondiaux à desservir l’Afrique ont vu leur capacité annuelle progresser de 11,2 % à 695 000 EVP en un an. Dans le même temps, la capacité moyenne des navires a augmenté de 10 % et le nombre de navires réduits de 7 %. À regarder la situation de plus près en analysant avec les mêmes données de mars 2016, il s’avère que le nombre de service s’est réduit au cours des années. En février 2014, les armateurs alignaient vingt services hebdomadaires entre l’Europe et l’Afrique de l’Ouest quand ils n’en offrent plus que douze cette année. La conséquence logique de ce mouvement s’est reportée sur la taille des navires. En 2016, les services entre l’Europe et l’Afrique se sont réalisés avec des unités allant de 900 EVP, pour le groupe Grimaldi à 3 600 EVP pour CMA CGM. En 2017, MSC, CMA CGM et Nile Dutch ont rejoint le mouvement en alignant des navires de 3 600 EVP en moyenne. Cela signifie que les Africamax, d’environ 4 200 EVP, deviennent la norme.
Un effet de transfert des grandes alliances et de l’agrandissement de la taille des navires sur les flux est-ouest qui se reportent sur les trafics nord-sud? La réponse n’est pas évidente au premier coup d’œil. En effet, si la capacité moyenne des navires augmente sur les flux Europe-Afrique passant de 2 000 EVP à 2 200 EVP en 2017, c’est surtout sur les liaisons entre l’Extrême-Orient et l’Afrique que se joue cette bagarre. Les navires de 10 000 EVP qui ont longtemps réalisé les lignes Europe Asie ou le transpacifique sont aujourd’hui sous dimensionné dans le cadre des nouvelles alliances. Ceux-ci ont été déployés, par certains sur le segment Asie-Afrique en privilégiant un ou deux ports de touchée sur l’ouest africain et une escale dans le sud du continent. Depuis quelques années, il est devenu une habitude de voir des navires de 10 000 EVP entrer dans les ports comme Pointe-Noire et Lomé. L’Ouest africain portuaire est devenu un enjeu pour les grands groupes internationaux et pour les pays.
Dans une étude publiée par Proparco en avril 2017, Gilbert Meyer de Catram explique que la croissance portuaire africaine a été possible par la modernisation des équipements et des infrastructures « permises par l’intervention du secteur privé dans les investissements. Cela permet aux ports de la région d’afficher des taux de productivité plus proches de ceux que l’on retrouve sur le continent africain ». Tant du côté portuaire que de celui des armements, la concentration a été jusqu’à impacter directement les ports africains. Cela se concrétise notamment lors des appels d’offres pour de nouveaux terminaux ou la reprise de concessions. APM Terminals, filiale de Maersk, DP World, PSA, Cosco Ports, China Merchants, Bolloré mais aussi des groupes comme CMA CGM, la filiale de MSC, TIL, ou encore le groupe philippin ICTSI ont implanté sur le continent africain des bases pour prendre part à ce nouvel eldorado.
Aubaine financière
La concession de terminaux est une aubaine financière pour les opérateurs. Selon Gilbert Meyer, les coûts de passage portuaire en Afrique restent très largement supérieurs à ceux de l’Europe. Ils sont estimés à 1 500 € en Afrique quand ils sont entre 250 € et 300 € pour la manutention, le stockage et la livraison en Europe. Un différentiel de taille qui oblige, malgré tout, les ports africains à voir les conditions de leur coût de passage pour continuer à conserver les navires mères et éviter de voir une feederisation de l’ensemble du continent. « Pour rester dans la course, continue Gilbert Meyer, l’Afrique devra miser sur les nouveaux investissements, sur l’amélioration de la qualité de service mais aussi sur la diminution des coûts de passage. C’est un défi qui est lancé aux ports africains, que certains ont déjà relevé ». Dans l’édition de Proparco du mois d’avril, Gilbert Meyer détaille les grands projets portuaires ouest-africains pour les années à venir. Si tous ces projets se réalisent en temps et en heure, la capacité portuaire devrait augmenter de 12,05 MEVP dans les prochaines années. Cela vise notamment l’agrandissement du Port Autonome Dakar par DP World, du terminal MPS de Tema au Ghana par Bolloré et APM T, d’Abidjan par Bolloré et APM T, de deux projets à Lomé par TIL et Bolloré, de Lagos Badagry par APM T et TIL, de Lagos Lekki par Ictsi, de Kribi par Bolloré et CMA CGM et de Pointe-Noire par Bolloré et APM T. Ces projets intègrent déjà l’arrivée dans les eaux ouest africaines des nouvelles unités.