L’accord est historique. Avec la signature des deux tiers des 164 membres de l’OMC, l’accord sur la facilitation des échanges (AFE) est entré en vigueur le 22 février. Il s’agit du premier accord multilatéral signé au cours des 21 années d’existence de l’OMC. « En signant cet accord, les États membres ont montré leur attachement au commerce international », a déclaré le directeur général de l’OMC, Roberto Azevedo. Derrière le symbole de l’adoption de cet accord, c’est un nouveau système qui va se mettre en place et qui favorisera à terme les échanges internationaux. Parlant au nom des pays en voie de développement, l’ambassadeur du Cambodge a souligné l’importance pour ces pays de ratifier ce texte.
Le texte a été bâti lors de la neuvième réunion ministérielle de Bali en décembre 2013. Il stipule qu’il entrera en vigueur lorsque les deux tiers des 164 États membres de l’OMC l’auront ratifié. Il se compose de trois sections. La première contient 12 articles dans lesquels sont détaillées une quarantaine de mesures. Elles visent à mettre en place de nouvelles procédures aux frontières, des processus et des obligations imposées aux gouvernements. Parmi ces mesures, il est prévu, au gré de ces 12 articles, la publication et la disponibilité des renseignements, les procédures de recours, le renforcement de l’impartialité, la non-discrimination et la transparence lors du franchissement de frontières, les disciplines concernant les redevances et les impositions, les processus de mainlevée et le dédouanement des marchandises, la coopération entre les organismes présents aux frontières, les formalités pour l’importation, l’exportation et le transit des marchandises, la liberté de transit et la coopération douanière. Dans son livret sur l’AFE, l’OMC rappelle que de nombreuses mesures prévues dans cette section existent d’ores et déjà. « Elles peuvent permettre aux gouvernements d’adopter des pratiques plus effectives, efficientes et modernes », indique l’OMC. La section 2 prévoit des dispositions spéciales pour les pays en développement et les pays les moins avancés. Elles permettent à ces groupes de pays d’adopter l’accord à leur rythme. Ainsi, elle prévoit que ces pays pourront échelonner la mise en place de certaines dispositions après avoir reçu une assistance technique. Il faut pour cela que le pays en avertisse les autres États membres.
Trois catégories de mesures
Les mesures sont rangées dans trois catégories. La première, la catégorie A, regroupe les mesures que le pays mettra en œuvre lors de l’entrée en vigueur. La catégorie B regroupe les mesures que le pays mettra en œuvre après une période de transition. La troisième catégorie, la C, englobe les mesures que le pays appliquera après une assistance technique. La dernière section prévoit la création d’un comité national à tous les États qui ont ratifié l’AFE. Il sera chargé de faciliter la coordination et la mise en œuvre de cet accord au niveau national. Un comité d’observation est créé au niveau de l’OMC comme organe permanent de l’OMC.
Cet accord devrait être pour les pays en voie de développement un nouveau coup de pouce pour dynamiser les échanges internationaux. Dans son document d’explication, l’OMC cite l’exemple des pays africains enclavés. « Dans ces pays, explique l’OMC, le temps de conduite ne représente que 43 % du temps de transport par camion dans les corridors commerciaux. Les 57 % restants correspondent au temps d’attente aux frontières et aux barrages routiers ou à du temps de repos. » Le guichet unique participe aussi au succès des échanges et peut être favorisé par cet accord. Ainsi, la ministre en charge du Commerce et de la Promotion du secteur privé au Togo, Bernadette E. Legzim-Balouki, a rappelé que « le guichet unique fait partie de notre stratégie pour attirer plus de commerce international, renforcer l’économie locale et améliorer notre position dans l’indice de compétitivité de la Banque mondiale ».
Une étude menée en 2015 a démontré que cet accord pourrait générer une réduction du coût des marchandises de 9,6 % à 23,1 % pour les membres de l’OMC. La facture du commerce international pourrait ainsi s’amoindrir de 750 Md$ à un trillion de dollars. D’ici à 2030, cet accord pourrait permettre une croissance de 2,3 % des exportations. Il reste à savoir si cette baisse du coût des échanges internationaux se répercutera rapidement sur le panier de la ménagère, et notamment dans les pays en développement et les moins avancés.
Trois questions à Pascal Ollivier, directeur du développement de Soget et conseiller du commerce extérieur
Journal de la Marine Marchande (JMM): L’accord sur la facilitation des échanges est entré en vigueur le 22 février. Pensez-vous que cet accord aura réellement un effet sur les échanges internationaux, comme le dit l’Organisation mondiale du commerce?
Pascal Ollivier (P.O.): Cet accord est historique et son entrée en vigueur va permettre aux chefs d’États de mener à bien les réformes nécessaires dans les pays en voie de développement pour rentrer dans l’ère digitale du commerce extérieur.
JMM: Parmi les mesures qui participent au développement des échanges internationaux, l’OMC cite la mise en place des guichets uniques. Selon vous, en tant que directeur du développement de Soget, quel rôle peuvent jouer les guichets uniques pour être un nouveau booster dans les échanges internationaux et notamment pour les pays en développement en Afrique, en Asie ou sur le continent sud-américain?
P.O.: Le guichet unique est la fondation même de toute réforme des procédures douanières pour la facilitation du passage de la marchandise. Il permet la transparence des flux et l’éradication de la corruption endémique.
JMM: Pensez-vous qu’il faille d’ores et déjà imaginer l’accord de facilitation des échanges de la prochaine décennie et envisager dès aujourd’hui les premiers amendements pour s’adapter à l’évolution du commerce, comme par exemple intégrer la notion de digitalisation des différents intervenants?
P.O.: La digitalisation est partie de intégrante de l’AFE. Ce qui est fondamental actuellement, c’est la mobilisation des tous les bailleurs de fonds (multilatéraux et bilatéraux) pour que chaque État dispose de toutes les ressources financières et humaines pour mettre en œuvre l’AFE. Il y urgence en la matière.