L’assurance face à la crise

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« La crise de surcapacité existe aussi sur le marché de l’assurance », pose d’emblée Éric Tichet, directeur de la branche transports chez Axa entreprises, à l’occasion du salon SITL. Double peine pour l’assurance qui, face à des clients déstabilisés par la surcapacité du transport maritime, affronte un climat concurrentiel intense. Les 2 Md$ de capacités actuellement disponibles au niveau international en assurance maritime vont au-delà des besoins du marché. « Comme la valeur moyenne d’un navire de commerce est de 20 M$, on n’utilise qu’1 % de la capacité disponible, souligne Christian Zaninetti, directeur de la branche transport du courtier Marsh. Les porte-conteneurs géants mobilisent 10 % de la capacité, et seuls les plus grands paquebots comme l’Harmony-of-the-Seas approchent le milliard de dollars, soit la moitié de la capacité. » Dans ce contexte, les primes se négocient à la baisse depuis 2012 et aucun coup dur ne semble dévier les courbes. À l’été 2015, les explosions sur le port chinois de Tianjin, quatrième hub portuaire mondial, ont pourtant causé un sinistre record, estimé à près de 2 Md$, mettant en lumière les dangers d’une accumulation de valeurs mal estimées par les assureurs. Toutefois, le marché n’a pas vacillé: entre 2015 et 2016, les renouvellements des traités d’assurance maritime ont été marqués par une nouvelle baisse des tarifs comprise entre 5 % et 20 %, selon les observations de l’Iumi (International Union of Marine Insurance). Un an plus tôt, la baisse était de 10 %. Or, les assureurs se heurtent à l’incapacité de tarifer les risques à leur valeur réelle, sachant qu’en parallèle les placements réalisés par les compagnies dans un environnement de taux neutres, voire négatifs, ne compensent plus les résultats techniques. La situation est alarmante. Et pourtant, de nouveaux entrants allongent toujours la liste des intervenants. « Le marché du transport maritime séduit les assureurs car il est facile d’accès, précise le directeur de la branche transports de Marsh. Il suffit d’un ou deux souscripteurs pour ouvrir une branche corps et machines. » Ensuite, le nouvel arrivé se positionne en co-assureur, selon le fonctionnement de la majorité des traités. En prenant une part de 5 % voire de 2,5 %, il lui suffit alors de suivre la stratégie de l’apériteur, l’assureur qui prend la tête du groupement et négocie le contrat avec l’assuré. « Mais ce sont des business model totalement différents de ceux des assureurs historiques du marché qui conservent la gestion de sinistres et de la prévention en interne », prévient Baptiste Ossena, directeur marine chez AGCS, en évoquant l’externalisation de quelques nouveaux-venus.

Un atout de taille

L’assurance maritime est également un atout de taille pour les compagnies, « tenues sous Solvabilité 2 de souscrire un maximum de risques diversifiés », poursuit Christian Zaninetti. Solvabilité 2 est le nom d’une directive européenne qui impose aux entreprises d’assurance des règles dites prudentielles qui les contraignent à mettre en adéquation leur niveau de fonds propres avec les risques auxquels elles sont confrontées. « Enfin, l’assurance maritime est séduisante, car si les primes restent orientées à la baisse, la sinistralité l’est aussi », conclut le courtier. Le poids des pertes totales a ainsi diminué de 40 % entre 2012 et 2014, et l’âge moyen des navires a fortement baissé en raison du renouvellement de la flotte et du scraping (mise à la casse) précoce de navires. Dans ces conditions, l’heure n’est guère à l’innovation, surtout sur un marché conservateur organisé depuis plus de trois siècles. Les négociations se font au cas par cas, sans mouvement de marché pour faire évoluer les clauses ou les risques couverts. Le seul risque innovant en réflexion est le cyber, aujourd’hui exclu des polices maritimes par la clause 380, diffusée par le marché britannique à partir de 2003. Dans son rapport 2016 sur le secteur maritime, Allianz a ainsi alerté sur le peu de protection des accès Internet de type récréatif à bord des navires, s’inquiétant d’une prise de commande d’un navire, notamment à l’approche des zones portuaires.

Risque cyber

Toutefois, ce risque dit de « gestion nautique des navires » n’est pas aujourd’hui considéré comme une menace par les armateurs. Les chefs d’entreprise du secteur maritime sont les seuls à ne pas citer le cyber dans le top 5 des risques d’Allianz en 2017. « Nous avons fait sauter l’exclusion pour un seul gros client, dont l’activité était majoritairement terrestre, témoigne un spécialiste maritime de l’un des trois premiers courtiers internationaux. Mais il s’agissait surtout de le rassurer en couvrant l’intégralité de ses activités contre le risque cyber, car l’assureur, après étude de ses risques et des mesures de prévention appliquées, a considéré qu’une intrusion informatique était peu vraisemblable. » L’autre volet du risque cyber dans le maritime, le piratage des logiciels de gestion de la cargaison, pourrait être couvert par l’assureur terrestre de la compagnie, par le biais d’une extension de la garantie Iard ou RC. Peu de croissance en vue de ce côté-là pour les assureurs maritimes. En revanche, en marchandises transportées, les opérateurs cherchent à accroître leur terrain de jeu avec des garanties proposées de bout à bout. « L’innovation est importante mais elle reste difficile à porter dans une période de crise, lorsque les compagnies sont concentrées sur des stratégies de restructuration », nuance toutefois Mathieu Berrurier, directeur général du courtier Eyssautier. En tant que président de l’Ucamat, il alerte: « Nous devons apprendre à nous serrer un peu plus les coudes pour faire face à ce genre de crise. » Soucieux de la concurrence qui a prévalu lors des premières années de la crise, les courtiers d’assurance maritime ont tiré la sonnette d’alarme lors des Rendez-vous de l’assurance transports 2016. Une initiative baptisée Paris Mat, cherchant à rassembler la place d’assurance maritime de Paris, sera présentée lors de cette édition 2017, les 4 et 5 mai.

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