Quelles sont les routes polaires visées par ce Polar Code? Il s’agit du passage du Nord-Est, reliant l’Europe à l’Asie via la Russie, désormais praticable pendant un certain laps de temps chaque année du fait de la fonte des glaces. Autre route, le passage du Nord-Ouest qui relie l’Atlantique au Pacifique en passant par les îles arctiques du grand Nord canadien. Ce passage n’est praticable que pendant l’été arctique car pris par les glaces le reste de l’année.
Le Code polaire a été élaboré par l’Organisation maritime internationale (OMI) pour « renforcer la sécurité de l’exploitation des navires et atténuer son impact sur les gens et l’environnement dans les eaux polaires, qui sont éloignées, vulnérables et peuvent être inhospitalières ». Cet encadrement juridique international est « rendu nécessaire par l’accroissement du trafic maritime facilité par la diminution de la couverture glacière », rappelle la représentation permanente de la France auprès de l’OMI dans un texte publié le 11 février. La première partie du code polaire traite de la sécurité des navires et la seconde de la prévention des pollutions. Chaque partie contient à la fois des dispositions obligatoires et des recommandations.
Trois catégories de navires
Le Code polaire définit trois catégories de navires. Les navires de catégories A et B sont conçus pour la navigation dans les glaces. Les navires de catégorie A le sont pour être exploités dans « au moins de la glace moyenne de première année pouvant comporter des inclusions de vieille glace ». La catégorie B vise les navires pouvant être exploités dans « au moins de la glace mince de première année pouvant comporter des inclusions de vieille glace ». Enfin, les navires de catégorie C (les navires de croisière du Ponant, par exemple) sont conçus pour les eaux libres avec des conditions de glace moins rigoureuses que celles des classes A et B.
Le Code polaire couvre tous les domaines de l’exploitation d’un navire, qu’il s’agisse de structure, de propulsion, de stabilité, d’engins de sauvetage, de radiocommunication, mais aussi de procédures de navigation, de qualification des équipages ainsi que des mesures de prévention de la pollution (par les hydrocarbures, le transport en vrac de produits chimiques, les eaux usées et les ordures). « Pour la navigation dans les eaux polaires, on dispose maintenant d’un seul bréviaire, le Code polaire », se félicite Éric Banel, délégué général d’Armateurs de France. « Ce Code polaire allie la structure des navires et la formation des équipages. Cet équilibre entre les deux est une très bonne chose. »
Ce dernier balaie le reproche parfois fait au Code polaire de ne pas interdire l’usage du fuel lourd en arctique. « Le code polaire est un outil innovant, ambitieux, mais il ne faut pas lui demander d’apporter toutes les réponses. Le Code polaire ne s’intéresse pas au mode de propulsion (fuel, GNL…). La vocation de l’OMI est de réglementer la navigation », indique Éric Banel. « Ce type d’interdiction pourrait figurer dans une réglementation régionale comme le Conseil supérieur de l’Arctique. » C’est d’ailleurs une autre réglementation régionale que celle du traité sur l’Antarctique qui a interdit l’utilisation du fuel lourd par les navires en Antarctique et imposé que les entreprises de tourisme ne débarquent pas plus de 100 visiteurs en même temps avec au moins un accompagnateur dûment formé pour 20 personnes.
Quelle activité économique?
Sur le plan juridique, le Code polaire complète et précise les dispositions applicables au titre des conventions internationales existantes: Solas (sauvegarde de la vie humaine en mer), Marpol (prévention des pollutions marines) et STCW (formation et qualification des gens de mer). « Le code polaire prolonge et adapte les dispositions du droit maritime classique – obligations de l’État du pavillon, contrôles des navires par l’État du port, etc. – dans les environnements sensibles que sont l’Arctique et l’Antarctique », explique Éric Banel. Aussi le commandant Étienne Garcia, de la compagnie du Ponant, s’attend-il par exemple à des contrôles d’un type nouveau à Ushuaïa en Argentine. « l’État du port argentin viendra très certainement contrôler notre certificat de navigation polaire délivré par les affaires maritimes. »
Quid de l’impact de ce nouveau Code polaire? Une chose est sûre: il ne va pas, dans un avenir proche, s’imposer aux compagnies de transport conteneurisé. Si la fonte des glaces engendre un gain de temps et de carburant en permettant d’emprunter les détroits du Grand Nord, cet avantage n’intéresse guère aujourd’hui le transport de conteneurs car il y a peu de ports et de clients à desservir sur ces axes. « Le transport maritime, c’est un enchaînement d’escales avec des navires qui desservent un ensemble de ports principaux et secondaires. Pour le moment, les routes polaires ne le permettent pas », explique Éric Banel.
Les routes polaires présentent en revanche un potentiel de développement pour les secteurs de l’extraction minière, les métiers de service maritime autour de l’exploitation offshore, de la prospection sismique offshore ou encore la pose de câbles sous-marins. Sans oublier la croisière. Les entreprises françaises concernées sont les compagnies Bourbon, Louis Dreyfus Armateurs (LDA) ainsi que le croisiériste de luxe Ponant.
214 513 t
C’est le trafic 2016 de la route arctique.
Il s’agit là d’une progression de 441 % par rapport à l’année précédente. Le temps de passage moyen a été de 14,3 jours. Les principaux trafics ont concerné des minerais, de la pâte à papier, des produits pétroliers et des produits alimentaires congelés. En outre, 246 passagers ont emprunté cette route.
Le code Polaire ne sera pas une « révolution »
À écouter le commandant Étienne Garcia, à la barre du Boréal et de ses sisterships, le code polaire ne va pas constituer une « révolution » pour la Compagnie du Ponant, d’autant qu’elle n’opère dans ces zones polaires qu’en période estivale, de juin à septembre pour l’Arctique et de novembre à début mars pour l’Antarctique. « Le Code polaire uniformise les règles qui existaient au niveau mondial. Nous sommes bien préparés à tout cela. Notre adaptation va ressembler à du fine tuning », confie Étienne Garcia qui entame sa douzième saison polaire au Ponant. En ce qui concerne la structure des navires, il rappelle que les navires exploités dans ces zones (Boreal, Austral, Soleal, Lyrial) sont récents et déjà aux normes. Les quatre navires en construction le seront a fortiori aussi. « Nos navires ont la classe 1 C. Ils ont une coque renforcée glace pour naviguer dans ce milieu. » Même constat sur le volet environnemental. La compagnie du Ponant a anticipé les dispositions du Code polaire. Enfin, s’agissant de la formation, la compagnie emploie des officiers possédant les deux niveaux de certification: la certification basique de navigation dans les glaces (niveau officier) et la certification avancée de navigation dans les glaces (pour les seconds et commandants).