Journal de la Marine Marchande (JMM): Que faut-il retenir de l’échange sur la flotte stratégique au CSMM?
Éric Banel (É.B.): Il y a sur ce sujet un accord très large entre les organisations patronales et syndicales. Ce n’était pas acquis. Pour tous, la flotte stratégique est d’abord une démarche de filière qui prend en compte les emplois et les compétences, à terre et en mer. Il ne sert à rien de dire qu’un segment de flotte est stratégique si nous n’avons plus les compétences pour armer les navires ou en assurer la gestion et le suivi à terre. La disparition de la filière sismique est ici exemplaire car, au-delà du désarmement des navires, c’est bien la perte d’un savoir-faire et d’une expertise reconnus qui rend tout retour en arrière impossible. Plutôt que de flotte, il faut donc parler de filière stratégique.
JMM: Comment fonctionnera le nouveau dispositif?
É.B.: Le dispositif proposé est souple et évolutif. Sa gouvernance reposera sur une institution ancienne, le commissaire délégué aux Transports maritimes, aujourd’hui le directeur des Affaires maritimes. Nous partons de l’existant, que chacun avait perdu de vue, et lui donnons davantage de force et de cohérence. Les missions du commissariat ne seront plus limitées aux seuls besoins des armées ou de l’État, mais couvriront l’ensemble des besoins de la nation, de la sécurité des approvisionnements et des communications aux énergies marines et à la recherche océanographique. Elles incluront les services, qui constituent l’avenir de nos métiers. Le travail qu’Armateurs de France a mené sur la loi de 1992, qui vient de s’achever, est précurseur, mais nous allons bien au-delà.
JMM: Quelles sont les étapes suivantes?
É.B.: Notre rapport a été validé par le CSMM le 23 février. L’avant-projet de décret lui est annexé. Il appartient à la présidente du CSMM de transmettre ces deux documents au ministre, qui décidera des modifications à leur apporter. Le groupe de travail a demandé une validation et une publication du décret avant la fin de cette mandature, afin de sécuriser le dispositif. Le fort consensus des acteurs sur le sujet devrait y contribuer.
La flotte stratégique ne se résume à un simple décret. L’étape suivante consiste à définir une vraie stratégie de flotte, avec des outils nouveaux sur le financement des navires, la formation ou la contractualisation entre l’État et les armateurs. Sans stratégie, sans vision de long terme, tout ce que nous avons tenté de construire restera sans suite, et ce bel et fragile édifice qu’est la flotte stratégique s’effondrera. Là réside le véritable enjeu.